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Suspense pour la dette française: Standard and Poor's rend son verdict ce vendredi

Après Fitch, l'agence S&P va dire ce vendredi si elle dégrade ou non la note de la France. Une décision aux conséquences sans doute plus politiques qu'économiques.

La France repasse sur le grill des agences de notation. Après la mauvaise note infligée par Fitch fin avril, puis par Scope, l'économie tricolore va faire l'objet d'une nouvelle appréciation de Standard and Poor's (S&P) ce vendredi, entre 22h et 23h heure française. Avec la perspective d'une possible dégradation d'un cran de la note de la dette française, de "AA" à "AA-".

S&P, agence de notation la plus influente, note la France depuis 1975 et ne l'a dégradée qu'à deux reprises. C'est aussi la première à avoir retiré à l'Hexagone son emblématique "triple A" en 2011, meilleure note possible et symbole d'une excellente gestion, dont un petit cercle bénéficient encore auprès des trois agences à l'instar de l'Allemagne, des Pays-Bas et de l'Australie.

"Impasse politique" et contestation sociale

Outre l'actualisation de la note, les commentaires de S&P Global seront scrutés au moment où les agences ont mis en avant ces dernières semaines l'effet délétère de la réforme des retraites et de la contestation sociale sur la capacité du gouvernement à poursuivre les réformes économiques, pourtant vantées par l'exécutif depuis six ans.

Fin avril, Fitch a mis en avant "l'impasse politique" du gouvernement pour justifier sa dégradation, et Moody's le "faible mandat" dont dispose le gouvernement dans un commentaire qui n'a toutefois pas donné lieu à une dégradation de la note.

L'agence de notation européenne Scope Ratings, moins regardée que ses consoeurs mais qui a abaissé sa perspective sur la France de "stable" à "négative" la semaine dernière, a souligné "l'absence de majorité au Parlement", de nature à compliquer la trajectoire de réduction du déficit et de la dette.

Bien que toutes relèvent un déclin de la situation politique et sociale, l'agence Fitch a été la seule agence à dégrader la France récemment, suscitant l'ire du président Emmanuel Macron: elle "se trompe profondément dans son analyse politique", a-t-il fustigé dans une interview au quotidien L'Opinion. À l'épreuve des chiffres pourtant, la France paraît mieux notée qu'elle ne le mériterait, a relevé Fitch. Elle détient l'endettement le plus élevé des pays dans la catégorie "AA", et présente le double de l'endettement médian dans cette catégorie.

Les représentants de S&P reçus à Bercy

Soucieux d'afficher son sérieux budgétaire, le gouvernement regarde de près l'action des agences de notation. Interrogée dimanche, Elisabeth Borne a affirmé sur Radio J que le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a eu des "discussions très étroites" avec l'agence S&P "sur tout ce qu'on fait pour maîtriser nos finances publiques".

Le patron de Bercy a en effet reçu les représentants de l'agence à plusieurs reprises pour les convaincre de la crédibilité de sa trajectoire de désendettement d'ici à 2027, en évoquant notamment l'ambition des réformes conduites par le gouvernement, les milliards d'euros d'économies annoncées pour le prochain budget ou le gel de 1% des crédits dans le budget actuel.

Si Bruno Le Maire donne ces gages, c'est sans doute parce qu'il n'a aucune envie de se voir taxer par les oppositions et par l'opinion de mauvais gardien du temple des finances publiques, au moment où il va demander beaucoup d'efforts dans le prochain budget avec plus de 7 milliards d'euros d'économies pour accélérer le désendettement du pays.

Reste qu'une dégradation de la note française de AA à AA- serait tout sauf un drame économique et financier. Cela ne changerait probablement rien à la perception des investisseurs sur la dette tricolore -et donc aux taux d'intérêt auxquels empruntent la France- qui serait toujours classée dans la plus haute catégorie d'investissement. Elle aurait par ailleurs 70% de chances d'y rester dans les 15 prochaines années, selon l'historique de Standard and Poor's sur les dettes souveraines entre 1975 et 2022. A l'inverse, il n'y aurait que 2% de chances pour que la France bascule dans la catégorie spéculative dans 15 ans.

Par Paul Louis, avec Thomas Sasportas avec AFP