Prélèvement à la source: les agents des impôts se plaignent d'être (trop) sous pression

Le prélèvement à la source a franchi le 15 janvier une nouvelle étape avec le versement des avances pour les crédits d'impôts de 8,8 millions de Français. Une opération à valeur de test pour la réforme. - Philippe HUGUEN-AFP
Alors que Gérald Darmanin s'est dit "confiant", en soulignant que la première étape du prélèvement à la source s'était déroulée "sans accroc", les syndicats des agents des impôts lui portent la contradiction.
À propos de la mise en place des acomptes de crédits d'impôts mardi 15 janvier, Alexandre Derigny, secrétaire général adjoint de la CGT Finances publiques, a douché l'enthousiasme du ministre des Comptes publics. Ces situations "risquent de créer de l'incompréhension". "Ces dispositifs sont très compliqués, car ils doivent s'adapter à des situations très diverses", estime le responsable syndical.
"La fusée de l'impôt à la source est partie bien droite" a assuré Gérald Darmanin, qui a écarté à plusieurs reprises tout risque de "bug", notamment lorsque les salariés seront à leur tour soumis au prélèvement à la source, c'est-à-dire dans les derniers jours de janvier.
"Dire que tout va bien, c'est forcément prématuré"
Un message accueilli fraîchement par les syndicats, qui dénoncent depuis plusieurs jours l'engorgement des centres d'accueil de l'administration fiscale. "Ce qui risque de gripper la machine, ce n'est pas tant un gros bug que l'accumulation des petits problèmes", souligne Alexandre Derigny.
La perspective d'une prime de 200 euros versée en février aux 40.000 agents du fisc n'a pas calmé la contestation. La grogne syndicale porte plus généralement sur la surcharge de travail qui incombe aux agents des impôts pour répondre aux interrogations des contribuables sur le prélèvement à la source.
Au guichet des différents centres des finances publiques, ce sont 638.623 usagers qui ont été reçus depuis le 2 janvier 2019 (jusqu'au 14 janvier) tandis que la plateforme téléphonique a traité 1 million d'appels entrants sur la même période.
Même si ce nombre est en baisse (-79%) depuis le lancement de cette plateforme de centre d'appels, la Direction des finances publiques (DGFIP) de Bercy a sollicité 470 agents supplémentaires habitués à traiter l'impôt sur le revenu et formés au prélèvement à la source pour renforcer nos 14 plateformes téléphoniques nationales.
La mobilisation demandée aux agents du ministère pour que la réforme se passe sans accroc, passe d'autant plus mal que les services fiscaux font partie des administrations d'État les plus touchées par les réductions d'effectifs. La grogne des agents des impôts s'est répandue comme une traînée de poudre dans les régions touchées par ces suppressions de postes, se traduisant par des débrayages locaux.
Deux jours de débrayage chez les agents de Bordeaux
"C'est aberrant ce qu'il se passe: on désosse nos services alors qu'une réforme d'une ampleur inédite -le prélèvement à la source- est appliquée cette année" dénonce Eric Manry, co-secrétaire CGT 64 Finances Publiques dans le département des Pyrénées-Atlantiques, dans le quotidien local La Républiques des Pyrénées. Une cinquantaine d'agents béarnais et basques de la Direction départementale des finances publiques (DDFiP) avaient répondu à l'appel intersyndical de grève, ce mardi 15 janvier.
À Bordeaux, les agents du fisc se sont mis en grève les 14 et 15 janvier. Et à Cahors dans le Lot, les représentants syndicaux des agents des finances publiques ont tenu à lire publiquement leurs cahiers de doléances à leur direction départementale.
Le véritable test pour la réforme interviendra fin janvier
"Au moment où le gouvernement a besoin de nous pour déployer une réforme d’envergure, qui s’appelle le prélèvement à la source, on nous supprime encore 35 emplois alors que l’accueil physique et courriel est considérable", souligne Éric Guerry, secrétaire départemental de FO, dans le quotidien régional Le Télégramme.
Reste à savoir, pour les pouvoirs publics, si ces soubresauts sociaux des agents du fisc ne sont que transitoires. Le risque pour Bercy et le gouvernement serait que l'agitation sociale et syndicale de leurs fonctionnaires connaisse son apogée fin janvier lorsque des millions de salariés-contribuables recevront leur première fiche de paie de 2019, incorporant le prélèvement à la source. Les syndicats redoutent que les agents soient alors assaillis au guichet ou au téléphone par des flots incessants d'usagers s'estimant injustement taxés...