BFM Business
France

Budget: vers un dérapage du déficit à 5,6% en 2023?

placeholder video
Emmanuel Macron a enchaîné les réunions mercredi soir à l'Elysée sur le dérapage du déficit public qui menace la crédibilité de la France sur les marchés et nourrit un procès en "incompétence" budgétaire instruit par les oppositions.

C'est "nettement" supérieur aux prévisions du budget à 4,9%, comme l'avaient annoncé Bruno Le Maire et Thomas Cazenave il y a 15 jours. Bercy ne confirme pas ce chiffre de 5,6% et renvoie à la publication mardi prochain le 26 mars des comptes publics de la nation par l'Insee.

Mais le ministère sait clairement à quoi s'attendre: ça va être une très mauvaise nouvelle étant donné que la France va être le seul grand pays de la zone euro avec l'Italie à avoir un déficit supérieur à 5%.

Déficit de l'État... prêts à vous serrer la ceinture ? - 07/03
Déficit de l'État... prêts à vous serrer la ceinture ? - 07/03
30:13

L'autre mauvaise nouvelle, c'est qu'en partant d'aussi haut en 2023, il sera très improbable de tenir l'objectif de déficit pour 2024 qui est de 4,4%. Pour y arriver, il faudrait réduire le déficit de un point en un an, ce que la majorité actuelle n'a jamais fait depuis 2017.

Risque de dégradation de la note de la France

Problème, les agences de notation vont toutes rendre leur verdict dans les semaines qui viennent. Le gouvernement craint que la note de la France soit dégradée juste avant les élections européennes, elle l'a échappée belle à deux reprises l'an dernier mais le risque est encore plus fort cette année avec des finances publiques qui se sont encore aggravées.

Une dégradation de la note de la France pourrait entraîner une hausse des taux d'intérêt auxquels le gouvernement se refinance sur les marchés et rendre plus difficile la gestion de la dette.

Dans ce contexte, Emmanuel Macron a enchaîné les réunions mercredi soir à l'Elysée sur le dérapage du déficit public qui menace la crédibilité de la France sur les marchés et nourrit un procès en "incompétence" budgétaire instruit par les oppositions.

"On doit faire face à un choc économique conjoncturel lié notamment a la géopolitique. On assume et on dit la vérité aux Français", a-t-il déclaré à ses hôtes, selon l'un d'eux, ajoutant que la France échappait à la récession, au contraire de plusieurs de ses voisins.

Auparavant, Emmmanuel Macron avait reçu en fin de journée Bruno Le Maire, ainsi que les ministres chargés des collectivités locales et des affaires sociales, Christophe Béchu et Catherine Vautrin. L'occasion de remettre sur la table certaines pistes déjà avancées par l'exécutif, notamment pour freiner les dépenses d'assurance chômage et de santé.

Consultations

Le gouvernement va consulter toutes les parties prenantes de la dépense publique, a dit le chef de l'Etat aux responsables de sa majorité, selon un participant.

Mais Emmanuel Macron a semblé écarter la possibilité de présenter dans les prochains mois un projet de budget rectificatif, une démarche risquée alors qu'il ne dispose que d'une majorité relative à l'Assemblée nationale et pourrait s'exposer à un vote de censure.

Un mois après avoir annoncé 10 milliards d'euros d'économies, Bruno Le Maire a de nouveau mis les pieds dans le plat dimanche, proposant de "remplacer l'Etat providence par l'Etat protecteur", car "la gratuité de tout, pour tous, tout le temps" est "intenable".

Initiative qui a agacé le chef de l'Etat: "Il devrait en parler à celui qui est ministre de l'Economie depuis sept ans", a raillé Emmanuel Macron, selon Le Canard enchaîné. Des propos confirmés à l'AFP par un familier du Palais.

Quelques députés plaident pour augmenter les impôts des "ultra-riches" ou des grandes entreprises, dont le chef du groupe MoDem Jean-Paul Mattei. Mais le gouvernement se refuse à toucher au levier de la fiscalité.

Les oppositions dénoncent ce dérapage des finances publiques qui, selon elles, ne saurait être imputé qu'à la seule détérioration de la conjoncture économique.

L'opposition tire à boulets rouges

"Jamais on n'a eu des chiffres aussi épouvantables", a affirmé la présidente des députés Rassemblement national, Marine Le Pen, fustigeant les "résultats pitoyables" et "l'incompétence de ce gouvernement dans le domaine financier".

Mêmes accusations à gauche du député La France insoumise Adrien Quatennens: "Ces gens-là sont de piètres économistes" qui "ont creusé le déficit et la dette pour faire des cadeaux toujours aux mêmes" et "n'ont pas à donner des leçons aux Français", a-t-il fustigé sur CNews et Europe 1.

Le président du parti des Républicains, Eric Ciotti, a dénoncé de son côté la "situation dramatique" des finances publiques françaises, assurant que le pays "emprunte le même chemin que la Grèce", dont l'économie s'était effondrée au début des années 2010 sous le poids d'une dette insoutenable.

"Les coups d'éclat dans les médias, c'est bien. Mais être en cohérence dans les débats à l'Assemblée nationale, c'est peut-être mieux", a répondu la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot à l'issue du conseil des ministres, accusant LR de multiplier les "propositions" qui "vont dans un sens d'augmenter les dépenses de l'Etat".

Thomas Sasportas avec OC et AFP