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"Foutez la paix aux retraités !": un comité d'experts recommande de sous-indexer les pensions et agace les syndicats

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Cette hypothèse d'une sous-indexation des pensions de retraites par rapport à l'inflation survient à quelques jours de la présentation du plan de redressement des finances publiques par François Bayrou.

François Bayrou est prévenu. Alors que le Premier ministre doit présenter son plan de redressement des finances publiques mardi 15 juillet, les syndicats durcissent le ton quant à l'hypothèse d'une sous-indexation des pensions de retraites par rapport à l'inflation, soutenue par un comité d'experts. "Foutez-la paix aux retraités !" s'est insurgé Frédéric Souillot, secrétaire général de Force ouvrière (FO), lors d'une table ronde organisée par l'association des journalistes de l'information sociale (Ajis) et l'Institut de recherches économiques et sociales (Ires).

"Il faut rappeler que c'est en partie ce qui a coûté la place de son prédecesseur (Michel Barnier, NDLR) au parlement en décembre".

Plutôt qu'une désindexation des pensions de l'inflation généralisée à tous les retraités, le chef de file FO ouvre la réflexion autour d'une sous-indexation partielle. "Il y a des seuils sur l'indexation, cela existe, mais on ne nous le dit pas. Parce que c'est trop technique, a-t-il ironisé. Pour François Hollande, ce serait pour les pensions au-delà de 1.850 euros, pour d'autres ce serait au-delà de 2.000 euros", a-t-il exposé.

"Et puis, si on regarde les choses sur le fond, ce qui est présenté et préparé, au bout d'un moment on arrive sur les revenus du ménage. Et là, vous avez deux retraités à 1800 balles chacun, [...] ils se retrouvent avec 3600, et là, on leur dit plus d'indexation et plus de solidarité sociale".

Mettre à contribution les retraités les plus aisés

"La sous-indexation des pensions en dessous de l'inflation, ça veut dire une perte d'un mois d'une pension sur cinq ans", signale Denis Gravouil, secrétaire général de la fédération CGT des syndicats du spectacle, du cinéma, de l'audiovisuel et de l'action culturelle. "Evidemment on est contre, ce n'est pas ça la solution, ce n'est pas augmenter encore les inégalités, sans regarder, en termes de justice sociale, la question de la répartition des richesses."

"Présenter les retraités comme des privilégiés en bloc, ce n'est pas possible", a renchéri le syndicaliste CGT. "On a un renoncement aux soins chez beaucoup de retraités, malgré la prise en charge en ALD et autres, du fait des transferts de charges de la Sécu vers les complémentaires santé, du fait qu'ils n'ont pas la prise en charge par l'employeur de leurs cotisations à la mutuelle. C'est un vrai problème".

"On a tous dans l'idée que le taux de pauvreté des retraités est faible, mais il monte vite", a prévenu Michaël Zemmour, économiste et chercheur associé à Sciences Po lors de la table ronde organisée par l'Ajis et l'Ires. "Il était à 8% il y a quelques années, il est aujourd'hui à 11%".

"Prélever plus les patrimoines et les revenus financiers"

Plutôt que de désindexer les pensions, la CGT plaide pour une réforme fiscale, notamment "du côté des retraités les plus aisés qui ont les plus gros patrimoines". "Là il y a de l'argent, il y a des patrimoines qui ont augmenté, qui ont doublé en 20 ans", a insisté Denis Gravouil. Si l'objectif est de concentrer l'effort sur les retraités aisés, "alors il faut globalement chercher à prélever plus sur les patrimoines et les revenus financiers, et en faisant cela on ciblera très implicitement les retraités aisés", a estimé l'économiste Michaël Zemmour.

La désindexation des pensions par rapport à l'inflation n'est pas non plus du goût de la CFDT qui presse pour remonter les montants des pensions versées aux retraités. "Il y a des niveaux de pensions qui ne sont pas acceptables et le fait de les faire remonter est une nécessité absolue, a déclaré Yvan Ricordeau, secrétaire général adjoint de la CFDT. A l'inverse, la sous-indexation des pensions des retraités n'hérisse pas les poils d'Amir Rez-Tofighi, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) visiblement lassé des discours selon lesquels "les retraités doivent être protégés".

"Tout le rendement de la réforme des retraitées est parti dans l'indexation des pensions sur l'inflation. Pourquoi ? Juste pour des raisons électorales", a-t-il lâché devant les autres partenaires sociaux et les journalistes.

La désindexation gagne du terrain dans les débats

Il n'empêche : la question de mettre davantage à contribution les retraités au financement de la protection sociale, quel que soit leur niveau de vie, monte de plus en plus dans les débats politiques. Si la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet avait suscité une levée de bouclier en janvier, la desindexation des pensions par rapport à l'inflation a fini par être inscrite dans l'utile document mis sur la table du conclave des retraites, rédigé par l'animateur des discussions, Jean-Jacques Marette, pour tenter d'arracher - en vain - un accord. Il était alors question de sous-indexer les pensions de 0,8 point en 2026 puis de 0,4 point les années suivantes.

Caroline Robin