Une "TVA" pour financer le modèle social: la France taxe-t-elle moins la consommation comme le dit Emmanuel Macron?

"Notre modèle social repose beaucoup trop sur le travail", a estimé Emmanuel Macron mardi 13 mai sur TF1. Ce qu'il veut dire par là, c'est que le financement de retraites ou de l'assurance maladie repose majoritairement sur les cotisations sur les salaires.
Or le gouvernement, comme le patronat, aimerait que l'effort pèse moins sur la fiche de paie et soit plus partagé, notamment parce que la population vieillit et la proportion d'actifs par rapport aux retraités diminue.
À partir de là, le chef de l'État veut chercher d'autres sources de financement et il a évoqué la "consommation". "Je demande au gouvernement d’ouvrir ce chantier avec l’ensemble des forces syndicales et patronales", a-t-il appelé.
"Quand on regarde nos voisins, certains taxent davantage la consommation", a appuyé le chef de l'État.
Une affirmation du chef de l'Etat qui repose sur le fait que le taux de TVA (hors taux réduits) est de 20% en France contre 22% en moyenne en Europe. Sauf que dans les grandes masses, on constate tout de même que les impôts sur la consommation sont plus élevés en France que dans la zone euro ainsi qu’en Allemagne.
Selon le site Fipeco, spécialisé dans les finances publiques, les impôts sur la consommation représentaient en France en 2023 11,3% du PIB contre 10,3% en zone euro et 9,4% en Allemagne. Cela s'explique notamment par le fait que le poids des impôts sur la consommation hors-TVA (carburants, tabacs, alcools, assurances…) est supérieur de 0,7 point en France à la zone euro.
Les accises sur le gazole en France étaient par exemple en juillet 2024 de 61 centimes au litre contre 52 aux Pays-Bas, 47 en Allemagne et même seulement 38 en Espagne.
Certes l'écart du poids de la fiscalité avec nos voisins est plus important sur les impôts de production (payés par les entreprises) ou sur les cotisations sociales (encore que l'Allemagne prélève davantage que nous) mais le fisc français n'a pas pour autant la main légère sur les taxes sur la consommation.

La TVA est déjà utilisée pour financer la protection sociale
Quelle forme prendrait donc cette éventuelle taxe sur nos achats? On pense tout de suite à la TVA sociale, même si Emmanuel Macron n'a pas prononcé ce mot. Concrètement, il s'agit d'augmenter la TVA (une taxe directement inclue dans le prix lorsque vous achetez quelque chose au supermarché par exemple) et d'affecter ces recettes supplémentaires au financement de la protection sociale.
Cette idée est loin d'être nouvelle puisque Nicolas Sarkozy l'évoquait déjà dans son programme en 2007. D'autant que la TVA finance déjà en partie la protection sociale.
En effet, si l'on détaille les sources de financement de la protection sociale, on voit que la majorité vient des cotisations salariales et patronales, 54% en 2022, même si leur part a tendance à baisser depuis les années 1990.
Viennent ensuite les impôts et taxes affectés (Itaf) à hauteur de 31% en 2022. Parmi eux on retrouve la CSG (contribution sociale généralisée) qui est prélevée sur les salaires, les retraites, les allocations chômage et les revenus du patrimoine.
Dans cette catégorie, on retrouve aussi la TVA, qui intéresse particulièrement le chef de l'État. Actuellement, son taux est différent en fonction des biens et services: 20% en général, 5,5% pour les produits de première nécessité comme l'alimentation, 10% pour le transport de voyageurs, le traitement des déchets ou à la restauration, et enfin 2,1% pour les médicaments remboursés.
La TVA, l'impôt le moins redistributif
Mais il est difficile d'évaluer l'incidence d'une hausse du taux de TVA, du fait du comportement des entreprises et des ménages. Selon l'économiste François Ecalle, augmenter tous les taux de 1 point pourrait rapporter entre 12 et 13 milliards d'euros.
Reste à savoir si le gouvernement engagerait, en miroir, une baisse des cotisations sur les salaires. Si c'était le cas, cela permettrait aux entreprises de dégager des marges supplémentaires et de la compétitivité.
Cette hausse pourrait par ailleurs bénéficier à la balance commerciale et aux entreprises françaises qui exportent puisqu'elle s'applique aux importations, mais pas aux exportations.
Mais une telle hausse pourrait avoir des effets indésirables, notamment en matière de redistribution des richesses. La TVA est en effet connue pour être l'impôt le plus injuste, puisque tout le monde, riches et pauvres, paie le même montant.