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Finances publiques

"L'incertitude est préoccupante en matière financière": Pierre Moscovici redoute les conséquences d'une motion de censure

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Alors que le RN ouvre clairement la voie au vote d'une motion de censure contre le gouvernement, le président de la Cour des comptes alerte sur les conséquences de ce vote s'il aboutit.

Pierre Moscovici tire de nouveau la sonnette d'alarme. Pendant que Jordan Bardella confirmait lundi matin sur RTL le vote du RN pour censurer le gouvernement en cas de recours au 49.3, le président de la Cour des comptes mettait en garde quant aux conséquences d'une telle trajectoire politique.

"Avec une motion de censure, on rentre dans une phase plus incertaine et l'incertitude est toujours quelque chose un peu préoccupant en matière financière", a indiqué Pierre Moscovici sur le plateau de Télématin.

L'occasion pour le magistrat financier de rappeler que la situation financière actuelle de la France "est dangereuse et préoccupante". "Nous avons 3.200 milliards de dettes, 110% du PIB en termes de dette publique là où nos partenaires ont 85% une charge de la dette qui atteindra 70 milliards d'euros l'année prochaine contre 25 milliards d'euros il y a quelques années."

"Il faut vraiment que nous réduisions nos déficits et que nous maîtrisions notre dette", a demandé Pierre Moscovici.

Après un exercice 2024 qu'il qualifie d'"année noire" en raison d'un déficit passé de 4,4% du PIB en prévision à 6,1%, Pierre Moscovi appelle à "mettre le frein": "L'objectif du PLF, qui est examiné par l'Assemblée, de 5% de déficit doit être atteint et recherché en tout cas car il faut donner le signe que nous reprenons enfin le contrôle de nos finances publiques."

Les Experts : 5% de déficit, est-ce vraiment atteignable ? - 22/11
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400.000 nouveaux foyers modestes imposables

Si les institutions de la cinquième République prévoient une loi spéciale pour prélever les impôts et les exécuter les dépenses sur la base du précédent budget le cas échéant, le recours à cet expédiant pourrait avoir "des conséquences assez lourdes" selon le président de la Cour des comptes.

"Comme le barème de l'impôt n'est plus indexé sur l'inflation à ce moment-là, à peu près 400.000 foyers modestes rentrent dans le barème de l'impôt et plusieurs millions voient leur impôt augmenter", souligne-t-il.

De même, la France ne pourra pas engager de nouvelles dépenses nécessaires à l'image de lois de programmation en matière de défense et de sécurité intérieure. Enfin, la dette et les déficits ne seront pas réduits. "Si on a une loi spéciale, il faudra quand même avoir assez vite un projet de loi de finances sinon c'est très ennuyeux pour la situation de la France, résume-t-il. Comme nous sommes très endettés, nous émettons de la dette sur les marchés et ils nous regardent un peu interloqués."

"Quatre ou cinq années d'efforts"

A cet égard, Pierre Moscovici critique la récente posture adoptée par le Rassemblement national qui consiste à "demander des concessions qui dégradent le déficit puis de reprocher au gouvernement de ne pas le combler". "Pour maîtriser un déficit, il est toujours mieux de faire des économies en dépenses parce qu'on peut faire les impôts une fois mais deux fois : bonjour les dégâts et ça a des conséquences sur l'économie, explique le président de la Cour des comptes. Comme c'était dans l'urgence, il est logique que le gouvernement ait fait pas mal d'impôt et en plus il l'a fait dans une logique qui était celle de la justice fiscale."

"Mais il faut basculer sur l'autre mode, celui d'économies en dépenses. Ce n'est pas une année difficile mais 4 ou 5 années d'efforts."

Le Sage de la rue Cambon invite à sortir d'une "politique budgétaire expantionniste" qui a duré "un peu moins d'une décennie" en réduisant "constamment" les déficits mais sans que ces économies soient synonymes de "rabot". "Pour faire des bonnes économies, il faut y réfléchir, les penser et les appliquer et ça nécessite un exercice plus structurel", insiste-t-il.

Timothée Talbi