Elle devait se prononcer fin novembre: pourquoi l'agence S&P a dégradé la note de la France avec près d'un mois et demi d'avance

Standard and Poor's pourrait dégrader une nouvelle fois la note du constructeur dans un avenir proche. - Emmanuel Dunand - AFP
La sanction était attendue, mais pas aussi tôt. L'agence de notation S&P Global Ratings, l'une des plus influentes du monde, a adressé vendredi un avertissement à la France en dégradant la note du pays d'un cran, à A+. Une annonce qui a surpris par son timing alors que l'agence américaine ne devait se prononcer sur le cas de l'Hexagone que le 28 novembre.
"Le mouvement d’agence S&P vendredi, c’est un mouvement qui s’est fait un mois plus tôt que prévu. On s’attendait à cette dégradation de S&P mais par contre on ne s’attendait pas à ce qu’ils le fassent un mois avant. Et s’ils le font, c’est qu’ils jugent que la situation est suffisamment sérieuse pour ne pas avoir à attendre", explique sur BFM Business Alexandre Baradez, chef analyste chez IG.
Pour S&P, "l'incertitude sur les finances publiques françaises" reste en effet "élevée" malgré "la présentation cette semaine du projet de budget 2026. Si l'agence estime que l'objectif de déficit à 5,4% cette année "sera atteint", elle juge aussi qu'"en l'absence de mesures supplémentaires significatives de réduction du déficit budgétaire, l'assainissement budgétaire sur (son) horizon de prévision sera plus lent que prévu".
Des mesures d'autant plus difficiles à prendre que "la France traverse sa plus grave instabilité politique depuis la fondation de la Cinquième République en 1958", rappelle S&P. En outre, la suspension de la réforme, si elle apporte de la stabilité, conduit à aggraver la situation des comptes publics.
"Un événement rare"
À ce stade, la décision de S&P de dégrader la note française n'a pas eu d'effet significatif sur le niveau des taux auxquels emprunte le pays, les marchés ayant déjà anticipé cette sanction. Il s'agit toutefois d'une nouvelle gifle pour Paris qui s'est déjà vu retirer son "double A" par l'agence Fitch il y a quelques semaines, et pourrait recevoir la même claque vendredi à l'occasion de la révision de la note tricolore par Moody's.
Mais c'est surtout la réaction précipitée de S&P qui interpelle: "Le calendrier fait que l’avertissement est quand même un avertissement sérieux. Ce n’est pas anodin ce qui vient de se passer", estime Wilfrid Galand, directeur stratégiste de Montpensier-Arbevel.
"On peut imaginer que S&P, compte tenu de son calendrier qui lui disait d'intervenir fin novembre, s'est dit que c'était trop tard par rapport aux autres agences de notation (...), qu'il faut tout de suite dire qu'il y a un sujet", ajoute l'expert.
Il rappelle d'ailleurs que la décision d'une agence de réviser sa note en avance "est extrêmement rare". "Depuis 2013, les autorités européennes ont imposé aux agences de notation pour des raisons de stabilité financière un calendrier et elles ne peuvent déroger à ce calendrier que si elles trouvent qu’il y a un événément important", indique encore Wilfrid Galand. Ces dernières années, les agences de notation ont par exemple précipité leur jugement à cause de la guerre en Ukraine (note de la dette russe et ukrainienne révisée), de la pandémie de Covid 19, du vote du Brexit au Royaume-Uni en 2016 ou encore du shutdown américain de 2011.