Du jamais vu en 20 ans: la France emprunte désormais plus cher que l'Italie (qui a pourtant une dette publique plus élevée)

À quelques jours de la présentation des grandes orientations du Budget 2026, Éric Lombard a dégainé un nouvel argument tombé à point nommé pour convaincre de la nécessité de redresser rapidement les comptes publics. Depuis les Rencontres économiques d'Aix samedi 5 juillet, le ministre de l'Économie a une nouvelle fois alerté sur l'envolée de la charge de la dette alors que depuis vendredi soir "la France emprunte à des taux plus élevés que l'Italie".
Vendredi en effet, le rendement des obligations italiennes à 5 ans (Buoni del Tesoro) s'élevait à 2,65% contre 2,67% pour les obligations françaises de même maturité. Du jamais vu en 20 ans, rappellent Les Échos.
La bonne santé des "pays du Club Med"
Dit autrement, l'obligation française est désormais perçue comme plus risquée que son équivalent italien. Faut-il pour autant s'en inquiéter? Pas vraiment. D'abord parce que l'écart entre les deux taux est minime. Ensuite, parce que le taux de rendement qui fait référence habituellement n'est pas le taux des titres de dette à 5 ans mais celui à 10 ans. Or ce dernier reste moins élevé pour la France (3,28%) que pour l'Italie (3,44%) bien que le spread (l'écart) se resserre depuis plusieurs mois.
Quand bien même, la France emprunte plus cher à 10 ans que l'Espagne ou le Portugal depuis l'an dernier et au même coût que la Grèce. Mais, malgré quelques variations temporaires, le taux de l'OAT à 10 ans est resté relativement stable ces derniers mois. Le spread avec le taux allemand est lui aussi proche de son niveau d'il y a un an. C'est donc avant tout la bonne santé économique des "pays du Club Med" qui rassurent les marchés plus que la France qui inquiète.
Pour rappel, la France était à la fin du quatrième trimestre 2024 le pays qui détenait le troisième taux d'endettement public rapporté au PIB le plus élevé, derrière la Grèce (153,6% à fin 2024) et l'Italie (135,3%). Mais ces deux pays sont dans la phase descendante. La Grèce est passée depuis 2021 de plus de 197% à 153,6%. L'Italie, de son côté, a vu son ratio d'endettement fondre de 10 points sur la même période, de 145,7% à 135,3%. La France, elle, a vu le sien enfler en 2024 et en 2025.
"Une grosse partie de cet écart (de taux à 5 ans) vient de la perception de l'Italie par les marchés qui s'est améliorée", confirme sur BFM Business Dorothée Rouzet, cheffe économiste de la direction générale du Trésor. Elle rappelle en effet que l'Italie a connu un "rebond économique post-Covid assez fort, facilité par les fonds européens" et que le pays est parvenu à baisser son déficit: "C’était plus de 7% du PIB en 2023, c’était 3,4% l’année dernière". Enfin, "ils dégagent aussi un excédent primaire sur leur budget. C'est le seul pays du G7 qui le fait, et puis ils ont plus de stabilité politique qu’auparavant", relève l'économiste.
"Stratégie de communication"
"Je ne pense pas qu'il faille s'inquiéter (de cet écart de taux). Le fait que l'Italie aille mieux est une très bonne nouvelle", abonde Xavier Timbeau, directeur principal de l'OFCE. Même constat de la part de Jean-Marc Daniel, professeur à l'ESCP et éditorialiste BFM Business. Lui juge que l'alerte d'Éric Lombard ressemble avant tout à "une stratégie de communication", une manière de créer un électrochoc dans l'opinion avec "le symbole de l'Italie qu'on a présenté régulièrement comme le mauvais élève de l'Europe, l'achétype du Club Med. Mais l'Italie est maintenant plus performante que nous".
"C'est aussi une façon de dire aux Français: ‘Il va falloir se ressaisir, réveillez-vous, la situation est beaucoup plus grave que ce que vous ne pensez'", estime l'économiste.
Il ne faut pas pour autant éluder les faiblesses françaises qui ont aussi un impact sur l'évolution du taux des OAT. "La perception de la France s'est plutôt dégradée et cela compte aussi", reconnaît Dorothée Rouzet. "On avait une sorte de capital confiance liée à notre stabilité politique et institutionnelle historique qui s’est un peu érodé depuis la dissolution. Et puis il y a les déficits structurellement élevés, donc la France est un peu moins attractive", conclut-elle.
Fin juin, la banque Barclays mettait encore en garde contre les "signaux négatifs" en France, en particulier l'instabilité politique et la morisité de l'activité économique qui pourraient à nouveau tirer les rendements de l'OAT à la hausse: "Si nous ne prévoyons pas une répétition des tensions de l'été dernier, car il est peu probable que le président Macron convoque de nouvelles élections anticipées (...), nous pensons que la faiblesse des perspectives macroéconomiques (...) et les négociations budgétaires potentiellement délicates pourraient justifier une prime de risque plus élevée", écrivait la banque.