Budget: la Cour des comptes suggère au gouvernement d'enterrer définitivement le "quoi qu'il en coûte"

Pourtant annoncée mi-2023 par l'ancien ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, la "sortie définitive du 'quoi qu'il en coûte'" a visiblement pris du retard. Dans un rapport publié ce jeudi 9 janvier, la Cour des comptes déplore que plusieurs aides déployées à titre exceptionnel pour protéger ménages et entreprises pendant la pandémie du Covid, puis la crise énergétique et inflationniste, persistent encore aujourd'hui. Au point que leur impact sur le déficit public est estimé à 5,4 milliards d'euros en 2024, alors que "leur cohérence" et leur "efficacité" sont parfois loin d'être démontrées.
"Ces mesures étaient présentées comme des réponses limtiées dans le temps. Pourtant, elles continuent de peser sur le Budget de l'État", a déclaré le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici.
Or, "vu l'état de nos finances publiques, il est impensable de maintenir un recours au 'quoi qu'il en coûte' qui était tout à fait légitime à l'époque où il a été mis en place, mais qui fait aujourd'hui surtout empirer une situation de finances publiques devenue assez dramatique", a-t-il mis en garde, assurant que "nous ne sommes plus dans une situation qui nécessite, ni ne permet, la pérennisation de ces aides exceptionnelles".
Dans son rapport, les Sages suggèrent 12 propositions d'économies visant ces dispositifs initialement présentés comme temporaires. Celles-ci pourraient être engagées "dès la loi de finances pour 2025" et permettraient dans le détail de réduire les dépenses de 3,85 milliards d'euros à horizon 2027, d'augmenter les recettes de 1,15 milliard d'euros via la révision d'avantages fiscaux et d'éviter 731 millions d'euros de dépenses nouvelles.
Durcir l'accès au bonus écologique et aux aides à l'apprentissage
D'après Pierre Moscovici, la France "se singularise parmi les grands pays européens" puisque les mesures d'urgence mises en oeuvre pour répondre aux crises "ne se résorbent ensuite qu'incomplètement". "On augmente très fort les dépenses, elles diminuent (une fois la crise passée, NDLR), mais elles se retrouvent à un niveau plus élevé" que celui observé avant la crise.
"C'est comme cela qu'entre l'avant-Covid et aujourd'hui nous sommes passés de 53,8% de dépense publique dans le PIB à 57%".
Dès lors, la Cour recommande dans un premier temps de recentrer certains dispositifs comme les aides à l'apprentissage qu'elle préconise de réserver aux formations des diplômes du secondaire et non plus aux formations du supérieur. Elle suggère aussi d'exclure de ces aides les entreprises de plus de 250 salariés. De quoi générer 2,86 milliards d'économies à horizon 2027.
Parmi les autres aides à restreindre, les Sages listent l'abaissement du plafond d'éligibilité des véhicules au bonus écologique à 1.925 kg (200 millions d'euros d'économies à horizon 2027), le plafonnement de la prise en charge des diplômes de l'enseignement supérieur "au coût moyen constaté pour les licences et les masters" (255 millions d'euros d'économies), le retour du Fonds national de l'emploi - Formation à son niveau d'avant Covid (86 millions d'euros d'économies), ainsi que la réduction de l'objectif quantitatif annuel annuel du contrat engagement jeunes (454 millions).
Annuler des dépenses
Dans un second temps, la Cour des comptes préconise de réduire des dépenses fiscales en revenant par exemple au barème fiscal kilométrique qui était en vigueur en 2021 (400 millions d'euros d'économies) ou en rétablissant le plafond initial des dépenses éligibles au crédit d'impôt pour frais de garde d'enfant, soit à 2.300 euros (200 millions d'euros d'économies).
Les magistrats financiers recommandent enfin d'abaisser certaines dépenses prévues, voire d'en supprimer certaines. Ils encouragent le gouvernement à "ramener a minima les autorisations d'engagement de la mission Agriculture au niveau des plafonds de la loi de programmation des finances publiques" (537 millions d'euros d'économies) et de stopper toute nouvelle dépense et d'annuler les crédits encore disponibles au titre du fonds ICC/Tech and Touch ainsi qu'au titre "de l'appel à manifestation d'intérêt Culture, Patrimoine Numérique".