Arrêts de travail: la Sécurité sociale s'inquiète de la hausse

Thomas Fatôme, le directeur général de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM), s'empare de la période de tensions budgétaires à venir. Alors que le dossier des retraites a été largement discuté depuis la dissolution, la CNAM attire l'attention sur l'augmentation des dépenses d'assurance-maladie concernant les arrêts maladie. Le responsable prévient déjà que le déficit prévu à 11,4 milliards sera dépassé, et que ces arrêts pèsent.
Selon des chiffres rendus publics aujourd'hui, la CNAM souligne que les dépenses d'indemnités journalières ont progressé de 10,4 à 15,8 milliards d'euros entre 2015 et 2023, hors covid-19. Les "soins de ville" progressent rapidement dans l'ONDAM (Objectif national de dépenses d'assurance maladie), le plafond de la branche - ils sont passés sur la même période de 12,5% à 15,1%.
Dans le détail, des facteurs logiques expliquent une partie du problème: l'inflation a fait progresser le SMIC et les salaires, donc les indemnités. D'un autre côté, la population vieillit, les personnes dédommagées sont donc "mieux payées et plus souvent concernées par des arrêts", expliquait Thomas Fâtome lors d'une conférence de presse organisée ce lundi.
Mais une large partie des hausses ne se justifie pas à première vue. 42% de la croissance des dépenses est imputée par la CNAM à un "effet de taux de recours et de durée". Comprendre: les Français sont plus souvent arrêtés qu'avant, et pour plus longtemps.
"C’est là que se pose la question des conditions de vie, de l’état de la population au travail, et des fraudes. Si la dépense annuelle progresse d’un milliard d'euros par an, 400 millions ne sont pas liés à des facteurs économiques", explique encore Thomas Fatôme.
Contrôle des médecins
La CNAM se veut rassurante en estimant que ses mesures prises en 2023 ont déjà porté leurs fruits pour ralentir la dynamique. En volume, les arrêts maladie ont moins progressé (1,8%) l'année dernière, et la caisse estime avoir récupéré 150 millions d'euros auprès des médecins. Des "entretiens confraternels", dont la CNAM explique qu'ils ne sont pas des contrôles, auraient permis de faire baisser de 6% les arrêts délivrés par les médecins rencontrés.
Deuxième poste d'économie, les assurés eux-mêmes (pour 40 millions d'euros économisés) - la CNAM a procédé à des contrôles (1,2 million) qui ont donné lieu pour moitié à une entrée en contact avec un médecin et à une vérification, et dans 1 cas sur 5, à des convocations pour contrôler plus précisément l'état de santé du patient. Les arrêtés depuis plus de 18 mois ont aussi été contrôlés.
Côté entreprises, la CNAM a récupéré 35 millions d'euros en repérant les entreprises atypiques en termes de nombre et de durée des arrêts maladie - et en les inscrivant à des programmes de prévention. Enfin, la fraude reste très minoritaire -8 millions d'économies réalisées- et repose en grande partie sur la falsification de fichiers Cerfa papier, amenés à disparaître avec la numérisation.
L'urgence est élevée: la CNAM estime que les dépenses en arrêt maladie progressent de 5,2% environ par an. Elles ne sont dépassées que par les produits de santé (6,3%).