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Déficit, chômage, migrants... Giorgia Meloni a-t-elle tenu ses promesses un an après son arrivée au pouvoir en Italie?

Giorgia Meloni à Rome, le 17 octobre 2023.

Giorgia Meloni à Rome, le 17 octobre 2023. - FILIPPO MONTEFORTE / AFP

Des mesures difficilement applicables, des doutes sur le serieux budgétaire mais une des entreprises en bonne santé et un chômage en forte baisse, c'est le bilan d'un an de Giorgia Meloni à la tête du gouvernement italien.

Depuis son arrivée aux affaires en Italie il y a un an, le gouvernement ultraconservateur de Giorgia Meloni a mis sur la table une ribambelle de réformes totémiques pour son électorat, au risque d'accoucher de textes inapplicables.

La liste de ces textes avortés est longue: répression contre les mineurs délinquants, lutte contre les passeurs de migrants, plafonnement du prix des billets d'avion, taxe sur les "surprofits" des banques...

Incompatibles avec la Constitution, contraires aux règlements européens ou à la mécanique du marché, ces textes de loi sur des marqueurs politiques forts de l'exécutif de droite/extrême droite sont retoqués par la justice ou le parlement, pourtant dominé par une majorité aux ordres.

Claudio Cerasa, directeur du quotidien de droite Il Foglio, résume ainsi le processus: "Utiliser les lois non pour gouverner mais pour faire de la propagande".

Qu'importe: l'opposition s'étrangle, les médias en parlent et les électeurs reçoivent le message. L'essentiel, pour la cofondatrice du parti post-fasciste Fratelli d'Italia, est qu'il en reste toujours quelque chose. Et cela semble payant car le parti n'a jamais été aussi haut dans les sondages.

Une stratégie d'autant plus nécessaire que depuis son entrée en fonctions en octobre 2022, Giorgia Meloni a dû, bon gré mal gré, ravaler certaines de ses promesses de campagne, en particulier celle d'endiguer l'arrivée par la mer des migrants : ils sont deux fois plus nombreux à être entrés sur le territoire depuis le 1er janvier que sur les dix premiers mois de l'année dernière.

"Le gouvernement n'a pas fait grand chose (...) il a poursuivi la politique" de ses prédécesseurs, "accentuant parfois les éléments répressifs qui plaisent à droite", estime Gianfranco Pasquino, professeur de Sciences politiques à l'université de Bologne.

Des déficits qui se creusent

La méthode Meloni est rodée: une loi est adoptée en conseil des ministres, annoncée à la presse puis modifiée ou annulée par les commissions compétentes du parlement car impossible à adopter en l'état.

Dans d'autres cas, ce sont les juges qui ont censuré ces textes adoptés à la va-vite. Un décret publié fin septembre au journal officiel prévoyait ainsi d'exiger une caution de 5.000 euros des migrants déboutés du droit d'asile sous peine d'être envoyés dans un centre de rétention pendant l'examen de leur recours.

Mais des juges ont fait libérer des Tunisiens incarcérés en vertu de ce texte au motif qu'il est contraire au droit italien et européen. Le gouvernement s'est empressé de faire appel.

"Une chose est de faire de la propagande politique pour obtenir des voix et gagner des élections, une autre est de gouverner", relève le professeur Francesco Clementi, de l'université romaine La Sapienza. "Ce que la politicienne Meloni a promis, la présidente du conseil ne peut le tenir", observe-t-il.

Mais c'est aussi du côté des marchés que la politique de Giorgia Meloni peine à tenir ses promesses. Le taux d'intérêt de l'obligation à 10 ans de l'Italie a atteint les 5% en octobre contre 3,5% pour la France et 3% pour l'Allemagne. Il y a un an, l'écart avec la première économie de l'UE n'était que d'un point.

Les marchés semblent douter du sérieux budgétaire de la politique du gouvernement alors que le déficit devrait ainsi grimper à 4,3% du PIB en 2024 contre 3,6% cette année du fait principalement de baisses d'impôts. Un budget qui ne permet pas de réduire la dette qui atteint 140% du PIB, la deuxième plus élevée de la zone euro après la Grèce.

Un chômage en forte baisse

Certaines mesures ont aussi du être amendées en urgence. Annoncée en août par Giorgia Meloni, une taxe exceptionnelle de 40% sur les "surprofits" des banques a dû être modifiée 24 heures plus tard pour finir réduite de moitié environ, les cours des banques ayant fortement chuté à la bourse.

De même, un décret plafonnant à un maximum de "200% du prix moyen" le prix des billets d'avion sur certains vols nationaux a été modifié et cette limite purement et simplement supprimée, Ryanair ayant déposé une plainte à Bruxelles.

Sur la plan de l'activité économique, le pays a subi un recul surprise de 0,3% de son PIB au deuxième trimestre 2023 dans un contexte certes difficile de hausse des taux d'intérêt qui handicape la plupart des économies européennes. Mais certains pays ont néanmoins été plus résilients sur la période comme l'Allemagne (PIB stable) et la France (+0,5%).

Sur le volet de l'emploi en revanche, l'Italie est un des pays qui a enregistré la plus forte baisse du chômage depuis un an. De 8% en septembre 2022, le taux est tombé à 7,3% en août de cette année, soit son niveau le plus bas depuis 2009. S'il reste plus élevé que la moyenne européenne notamment auprès des jeunes, le chômage italien est en passe d'être résorbé et ce dans un contexte de croissance faible.

Car globalement, le business se porte bien dans la Péninsule. Les profits des entreprises sont 15% plus élevés qu'avant le Covid et la Bourse de Milan flambe avec une hausse de plus de 27% de son indice depuis un an, la plus forte hausse en Europe (+11% pour le CAC 40).

Vendredi, Giorgia Meloni a revendiqué "un an de bon gouvernement" qui a démontré par les faits qu'il "est possible de construire une autre Italie, une Italie du mérite, du travail, de la croissance, de la famille, de la légalité".
Frédéric Bianchi avec AFP