Coronavirus: quelles sont les règles et limites du droit de retrait dans la fonction publique?

"Le droit de retrait présente la particularité de s'exercer à l'initiative de l'agent" rappelle une note de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP). - Loïc Venance-AFP
Depuis l'extension de la pandémie, des fonctionnaires ou leurs représentants (dont le syndicat policier Alliance) ont brandi la menace d'utiliser le droit de retrait, notamment pour obtenir et utiliser des masques et autres moyens de protection contre le coronavirus.
Dans ce contexte délicat pour de nombreux agents publics continuant de travailler pour assurer leurs missions, alors que le reste de la population est confinée, l'administration a publié une note récapitulant les règles de l'exercice du droit de retrait dans la fonction publique.
Le droit de retrait permet "à l'agent qui a un motif raisonnable de penser que la situation de travail à laquelle il est confronté présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, ou qui constate une défectuosité dans les systèmes de protection, de se retirer de son poste de travail sans encourir de sanction ou de retenue de salaire", rappelle ce document officiel.
"La nécessité de continuité du service public"
Selon le site spécialisé acteurspublics.fr, cette note (détail ci-dessous) émane de la direction générale de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP). Selon ce document, "le droit de retrait, comme tout droit accordé aux fonctionnaires, doit pouvoir être articulé avec la nécessité de continuité du service public et de préservation de l'ordre public" et il "présente la particularité de s'exercer à l'initiative de l'agent même si celui-ci doit alerter son employeur préalablement."
La publication de la note a été "provoquée par l'attitude d'agents qui réclamaient le droit de retrait, parce qu'on leur demandait de travailler sans protection, sans formation sur l'usage de ces matériels" explique Claire Le Calonnec, secrétaire générale de la fédération Interco-CFDT qui défend les intérêts des fonctionnaires et agents communaux.
Après un rappel général des notions de "danger grave et imminent" qui fondent l'exercice de ce droit, la note publiée par l'administration rappelle aussi les limites de ce droit qualifié de "subjectif" car il s'exerce à l'initiative du salarié désireux de se retirer d'une situation de danger imminente, ajoutant que ce comportement "doit avoir des bases objectives".
"Utile pour éviter d'utiliser le droit de retrait à tort"
Pour le syndicat UNSA DGFiP, représentant des agents de la Direction générale des finances publiques de Bercy, "la note DGAFP donne un éclairage sur la situation actuelle afin d'éviter que des agents n'utilisent le droit de retrait à tort et s'exposent ainsi à des sanctions, notamment financières. Nous estimons que le droit de retrait doit être regardé en fonction de chaque situation, mais, du moment que des mesures de protection sont mises en place, nous dissuadons les agents de faire usage du droit de retrait.
Mais la note évoque aussi le cas particulier, en période de pandémie, des personnels exposés à la contagion du virus par leur mission habituelle. Parce ces salariés (santé, ramassage des déchets, etc...) sont "systématiquement exposés à des agents biologiques infectieux du fait même de l’exercice normal de leur profession (risque professionnel) ou parce que leur maintien en poste s’impose pour éviter toute mise en danger d’autrui, ces personnels ne peuvent légitimement exercer leur droit de retrait, au seul motif d’une exposition au virus à l’origine de l’épidémie", souligne l'administration.
Pour certains agents, le droit de retrait doit être "exceptionnel"
Le document évoque aussi le cas des agents publics en contact régulier et étroit avec le public. Les mesures barrière préconisées "peuvent être complétées par des mesures comme l'installation d'une zone de courtoisie d'un mètre pour les personnels de guichet". La note souligne que "seul un contact rapproché et prolongé avec des personnes présentant des symptômes pourrait les contaminer"
Moyennant ces rappels, "pour les agents en contact régulier et étroit avec le public ou une communauté, l’exercice du droit de retrait se fondant sur l’exposition au virus ne peut donc trouver à s’exercer que de manière tout à fait exceptionnelle, les conditions de danger grave et imminent n’étant en principe pas réunies", conclut la DGAFP.
"C'est de la provocation" s'insurge Dominique Regnier, secrétaire fédéral à la fédération FO des services publics et santé, dont l'organisation syndicale a prévu de saisir ses avocats dès la semaine prochaine, à propos des conditions d'exercice du droit de retrait dans la fonction publique.
"Une interprétation un peu restrictive"
De son côté, Claire Le Calonnec, secrétaire générale de la fédération Interco-CFDT, juge que "d'est une interprétation un peu restrictive de l'exercice du droit de retrait qui vise aussi à rappeler les règles applicables aux agents ayant des velléités de l'exercer".
Enfin, dans sa note, la DGAFP souligne qu’aucune sanction ou retenue sur salaire ne peut être appliquée à un fonctionnaire dans le cas de l’exercice “légitime” du droit de retrait. Par contre, "en cas d'usage abusif, il est possible de procéder à une retenue sur traitement pour service non fait et une sanction disciplinaire peut également être prononcée pour un comportement contraire à l’obligation d’obéissance ou pour absence injustifiée”, précise l'administration.