BFM Business
Conso

Ventes de produits d'hygiène en chute libre: pourquoi cela ne veut pas dire que les Français prennent moins soin d'eux

Rayon hygiène-beauté d'une parapharmacie à Caen (image d'illustration)

Rayon hygiène-beauté d'une parapharmacie à Caen (image d'illustration) - CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Alors que toutes les catégories de produits d'hygiène et de beauté chutent lourdement en grande distribution, dans d'autres circuits de distribution comme notamment les pharmacies, les ventes sont au beau fixe.

Savons, gels douche, shampoings, déodorants... Depuis des mois maintenant ces produits ont déserté les chariots de courses des Français. Si durant l'inflation des produits alimentaires, ces produits d'hygiène et de beauté étaient victimes des arbitrages, depuis que les prix baissent la chute continue voire s'accélère.

En octobre, selon Circana, les volumes de produits vendus ont ainsi reculé de 5,2% (-6% en chiffre d'affaires) quand l'ensemble des produits de grande consommation ne baissaient eux que de 0,6%.

Depuis le 1er janvier, selon Circana, les ventes en volume de dentifrices ont poursuivi leur recul (-0,7%), de même que celles de gels douche (-1,8%), de déodorants (-3,7%), de shampoings (-4,3%), de mousses à raser (-4,7%) ou encore de coton tiges (-5,3%). Sur certaines catégories c'est même un effondrement. Les ventes de lames de rasoir pour hommes chutent de 6,7%, celles de soins du visage de 10,8%, du corps de 11,5% et les produits pour le bain de plus de 15%.

Les ventes baissent depuis 2016

Face à cette hémorragie, les magasins ne cessent de réduire la taille des rayons concernés en diminuant le nombre de références proposées. Le nombre de dissolvants a baissé de 12,6% par rapport à octobre 2023, celui de mousses à raser de 9,5%, de produits dépilatoires de 7,1% et de soins du corps de 7%.

Si les enseignes sortent des produits des rayons de manière aussi massive, c'est qu'elles ne croient plus à un rebond.

"Ce n'est plus du tout conjoncturel, confirme-t-on chez Circana. Les ventes de produits d'hygiène et de beauté se cassent la figure en grande distribution depuis 2016. L'inflation a joué un rôle d'accélérateur mais les deux tiers de la décroissance environ sont structurels."

De quoi battre en brèche l'idée reçue selon laquelle les Français ne prendraient plus soin d'eux parce qu'ils n'en ont plus les moyens.

Plusieurs facteurs expliquent cette déconsommation. D'abord le changement dans les habitudes. Avec la mode de la barbe, les hommes se rasent beaucoup moins et les ventes de produits de cette catégorie ont reculé de 45% depuis 2016.

"Mais il y a aussi de nouvelles routines d'hygiène, indique Circana. Comme il y a de plus en plus de doutes sur les produits vendus en grande surface et qu'il y a des applications pour décrypter les produits, les gens se lavent avec des produits plus naturels."

Un autre élément à prendre en compte, c'est la fin des "super promos" sur ces rayons d'hygiène-beauté. Encadrée par la loi Egalim 3, la promotion est désormais limitée à 34% de la valeur du produit quand auparavant il n'était pas rare de trouver du -70 ou -80%. Des promos moins alléchantes ce qui réduit l'achat d'impulsion. Surtout les Français avaient stocké en fin d'année dernière pour profiter des derniers gros rabais avant leur interdiction.

Le succès des autres circuits de vente

Pour autant peut-on conclure que les Français sont moins soucieux de leur hygiène ? Rien n'est moins sûr et c'est peut-être même le contraire. Ce sont les volumes de ventes en grande distribution uniquement qui reculent.

"Les autres circuits se portent très bien sur ces catégories, constate-t-on chez Circana. Dans la parfumerie, la vente en ligne, chez les déstockeurs de type Action et surtout dans les pharmacies, les croissances sont très fortes."

Particulièrement dans les officines. Sur un marché global de l'hygiène-beauté estimé à 14 milliards d'euros en France, les pharmacies ne cessent de recruter de nouveau clients. Elles représentent désormais 17% des ventes (contre 49% encore pour les grandes surfaces) avec un chiffre d'affaires qui dépasse désormais les 2,7 milliards d'euros (+4,6% sur un an). Avant le Covid, les ventes de ces produits en pharmacie dépassaient à peine les 2 milliards d'euros.

Désormais ce sont tous les types de produits d'hygiène et de beauté qui sont en croissance dans les pharmacies. +4% pour les soins de peau (1,5 milliard d'euros), +5,7% pour les soins du visage (633 millions), +5,1% pour l'hygiène (760 millions) dont une croissance de près de 7% pour les produits dentaires (216 millions).

Le plébiscite des pharmacies

"Le paradoxe c'est qu'en pharmacie on est sur des produits bien plus premium qu'en grande distribution, fait remarquer Nicolas Grelaud de OpenHealth, spécialiste des ventes en pharmacie. Les consommateurs viennent acheter des produits à 20 ou 25 euros mais ils savent qu'ils auront du conseil et de la qualité."

Plus que dans l'alimentaire, le "consommer moins mais mieux" fonctionne à plein dans ces catégories d'hygiène-beauté. Des marques comme La Roche-Posay ou Vichy dopent d'ailleurs les ventes de L'Oréal et des pépites comme La Rosée deviennent des mastodontes du secteur grâce aux pharmacies.

"Il y a une reconnexion des Français avec les pharmacies depuis le Covid, analyse Nicolas Grelaud. C'est un service de proximité, on y va plus souvent pour se faire vacciner... Avant on n'achetait pas de couches ni de dentifrices en pharmacie, maintenant c'est le cas."

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco