BFM Business
Conso

Une cigarette sur deux vendue en France provient du marché noir? L'étude de Philip Morris qui l'affirme est vertement contestée

placeholder video
Cette étude conteste le rapport entre hausses des prix et baisse de la consommation. Une association de lutte contre le tabagisme monte au créneau et dénonce une étude "qui ne repose sur aucune méthodologie scientifique".

L'étude fait beaucoup parler tant le chiffre est impressionnant. Selon un rapport de KPMG commandé par le géant du tabac Philip Morris International (PMI), environ 49% des cigarettes vendues en France ne sont pas issues des canaux de vente autorisés et proviennent donc du marché noir ou de l'étranger.

Précisément, 24,7 milliards de cigarettes ont été achetées l'an passé en dehors des bureaux de tabac, sur un total de 49,9 milliards de cigarettes, soit une augmentation de 13% sur un an et "une croissance de 60% par rapport à 2020".

Pire, selon l'étude, la France concentre désormais "près de la moitié des volumes illégaux de l’Union européenne, soit 18,75 milliards de cigarettes illégales consommées".

Pour Philipp Morris, l'explication est claire comme de l'eau de roche: la hausse continue et massive des prix des paquets de cigarettes détournent les fumeurs des circuits officiels.

+360%: l'augmentation des prix moyens du tabac depuis 2000

"Les fumeurs adultes n’arrêtent pas de fumer mais contournent le prix élevé des cigarettes pour préserver leur pouvoir d’achat, en diversifiant leurs canaux d’approvisionnement. Désormais, le marché parallèle est la norme. Nos taxes tabac, qui sont parmi les plus élevées du monde, n’ont fait qu’encourager le fumeur à se tourner vers des produits illégaux très peu chers", peut-on lire.

Depuis 2000, selon l'Insee le prix moyen du tabac a bondi de près de 360%.

En creux, le géant américain conteste donc le rapport entre hausses des prix et baisse sensible de la consommation. Et de s'interroger sur "l’efficacité de la politique française de lutte contre le tabagisme".

Cette étude est vertement contestée par l'association Alliance contre le tabac (ACT).

"Ce chiffre qui ne repose sur aucune méthodologie scientifique ne vise qu’un objectif: freiner les politiques de santé publique en affirmant que la hausse de la fiscalité des produits du tabac entraînerait une explosion du marché noir", peut-on lire dans un communiqué.

Selon elle, "la hausse du prix du tabac n’a pas modifié la façon dont les fumeurs s’approvisionnent: d’après les données officielles (Santé publique France et OFDT), près de 80% des fumeurs continuent d’acheter leurs cigarettes chez un buraliste, un chiffre stable depuis plus de 10 ans. Quant au marché parallèle (incluant les achats légaux à l’étranger et illégaux), il représente entre 10% et 20% des ventes totales de tabac en France, soit deux à quatre fois moins que les estimations produites par des études financées par l’industrie de tabac".

Les achats dans la rue ou à la sauvette, quant à eux, ne dépassent pas 1% sur la période 2014-2022, ajoute l'ACT.

"La méthodologie utilisée, similaire à celle des éditions précédentes, suscite de nombreuses critiques de la part d’experts universitaires, qui dénoncent des biais importants ainsi qu’un manque de transparence de la part du cabinet KPMG", raille l'association.

La consommation est à un niveau historiquement bas

"Par ailleurs, lors de la diffusion de ce rapport, Philip Morris International entretient délibérément une confusion autour du terme "marché parallèle", laissant entendre que tout achat effectué en dehors du réseau officiel des buralistes serait illégal, alors qu’en réalité, un consommateur peut légalement acheter du tabac à l’étranger dans la limite des quotas autorisés", poursuit-elle.

D'ailleurs, selon les chiffres du président national de la Confédération des buralistes, Philippe Coy, 30 à 40% du tabac vendu dans l'Hexagone proviendrait de réseaux parallèles à celui des buralistes, soit 9 à 19 points de moins que le chiffre avancé par Phillip Morris.

En réalité, le recul de la consommation est confirmé. L'OFDT et Santé publique en France ont complété leur étude conjointe, constatant un recul du tabagisme quotidien en France hexagonale. La consommation est même à un niveau historiquement bas.

"En 2023, plus de trois personnes de 18-75 ans sur dix déclarent fumer du tabac (31,1%) et 23,1% fument quotidiennement", relevaient-ils, évoquant "la proportion de fumeurs quotidiens la plus basse depuis la fin des années 1990".

D'après le bilan annuel de l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), le réseau des quelques 22.800 buralistes français a enregistré une forte baisse des volumes de tabac vendus l'année dernière: environ 12% par rapport à 2023.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business