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Pourquoi voit-on de moins en moins de promotions dans nos grandes surfaces

Le nombres de produits en promotions a chuté de 6,5% en 2023 en grande distribution.

Le nombres de produits en promotions a chuté de 6,5% en 2023 en grande distribution. - AFP

Alors que les Français avouent être à l'affût des rabais comme jamais auparavant, le nombre de promotions sur les produits de grandes marques est en forte chute depuis le début de l'année.

C'est la double peine pour les consommateurs. En plus d'avoir subi une inflation des tarifs en grandes surfaces que l'institut Circana estime à 21,1% sur deux ans, les promotions qui permettent en théorie d'alléger la facture se font de plus en plus rares.

Sur les 11 premiers mois de l'année 2023, le nombre de références en promotion a chuté de 4,6% selon Circana dans la grande distribution par rapport à la même période en 2022. Un phénomène qui s'est accéléré depuis le mois de mai et le début des discussions entre fournisseurs et distributeurs pour enclencher des baisses de prix. Selon NielsenIQ, le nombre de promos a même chuté de 14%.

Les produits de grandes marques les plus touchés

Ce sont les produits de grandes marques qui sont de moins en moins vendus à prix cassés. Leur nombre a chuté de 6,5% sur un an contre une hausse de 4% pour les références à marques de distributeur.

"Les promotions sont moins nombreuses et elles sont aussi moins intéressantes, explique Emily Mayer, directrice business insights chez Circana. Le rabais moyen est passé de 28,5% en 2022 à 27% cette année. On rappelle que pour les consommateurs, une promo intéressante c'est -31% en moyenne".

Moins de promotions, moins de rabais et des mécaniques promotionnelles elles aussi de moins en moins attractives. Le système préféré des consommateurs est la remise immédiate en caisse. Or ce sont ces réductions-là qui ont déserté les grandes surfaces avec un recul de 29% du nombre de références concernées en un an.

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Les Français achètent moins souvent en promo

Résultat, alors que le pouvoir d'achat est mis à rude épreuve, les Français mettent moins de promos dans leurs chariots de courses qu'il y a un an. La part des ventes faites en promotion est passée de 15,6% en 2022 à 15,1% en 2023. D'autant plus paradoxal que 46% des consommateurs, selon une enquête de PwC, assurent faire la chasse aux rabais pour réduire leurs dépenses (deux fois plus que lors de la même enquête réalisée un an plus tôt).

L'absence de promotions n'est peut-être pas la seule explication de ce recul dans les achats. Les produits à prix cassés sont peut-être aussi victimes de l'arbitrage des consommateurs. Un paradoxe apparent qui s'explique pourtant par le type de produits ordinairement vendus en promo.

"Globalement, la promotion est faite pour tenter le consommateur, pour créer de l'achat d'impulsion, elle concerne le plus souvent le sucré, les produits plaisir salés, rappelle Emily Mayer. C'est plus rare sur les produits basiques car la promo n'a pas vocation à faire faire des économies mais à faire acheter plus."

Plus sobre, le consommateur aurait tendance à se détourner des produits moins indispensables qui s'avèrent être ceux qui sont le plus souvent en promotion.

Si le nombre de rabais est en baisse, il y a tout de même d'importantes disparités selon les rayons et les enseignes. C'est au niveau national dans l'hygiène-beauté que les promos ont le plus reculé en 2023 avec 10% de produits en moins, selon Circana. Suivi par le rayon épicerie (-4%) et le frais libre-service (-4%). D'autres en revanche en proposent davantage comme celui des liquides (+1%) mais avec des écarts très importants selon les produits. Les boissons gazeuses sont en très forte hausse (+10%) de même que les bières (+8%) alors les promos sur les eaux se sont effondrées de 17% en un an.

Forte baisse des promotions chez Carrefour et E.Leclerc

Concernant les enseignes, c'est chez Carrefour Market (-16,5%), E.Leclerc (-15,1%), Casino Hyper Frais (-10,9%) et Carrefour (-10,7%) que le recul a été le plus fort au deuxième trimestre 2023 selon NielsenIQ. Chez Intermarché (-3,5%) et dans les hypermarchés Auchan (-1,3%) la baisse est plus contenue. Seules deux enseignes ont accru sur la période leur offre promotionnelle: les supermarchés Auchan (+5,1%) et les magasins Monoprix (+0,1%).

Comment expliquer ce repli de la promotion dans un contexte où les enseignes bataillent avec leurs fournisseurs pour obtenir des baisses de prix? Si le contexte de durcissement réglementaire tendant à limiter les promotions comme Egalim et la future loi Descrozaille est pointé du doigt, ce n'est pas la seule explication. Limiter les rabais est une manière cachée pour les industriels de faire passer leurs hausses de prix.

Des promotions financées par les industriels

Il faut savoir que les promotions sont quasi exclusivement financées non par les enseignes dans lesquelles on les achète mais par les fournisseurs. Lorsque Carrefour Market propose comme en ce moment un rabais de 50% sur le deuxième paquet de six canettes Oasis Tropical, ce n'est pas Carrefour qui fait ce "cadeau" au client mais le fabricant de la boisson. Même chose pour le paquet de 8 pots de yaourts Perle de Lait actuellement en promo "2 achetés 1 offert" chez E.Leclerc. C'est Yoplait qui prend sur sa marge pour proposer ce rabais et apparaître sur le prospectus du distributeur.

Ce mécanisme n'a rien d'illégal et les conditions du rabais ainsi que son financement apparaissent clairement dans les contrats commerciaux. Ils font logiquement l'objet de négociations entre industriels et distributeurs. En acceptant de renoncer à une partie des hausses de tarifs réclamées lors des précédentes négociations, les grands industriels ont compensé en diminuant leur budget dédié aux promotions afin de maintenir leur niveau de marge. Comme un ultime paradoxe, c'est dans les périodes de forte inflation que les promotions sont le plus utiles mais c'est aussi là qu'elles sont le plus rares.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco