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Pourquoi il faut relativiser la flambée des prix des produits frais pendant le confinement

Fruits et légumes

Fruits et légumes - Pixabay

Les consommateurs en ont fait le constat et des statistiques et études le confirment. Pourtant, la hausse observée des prix doit être relativisée.

Pendant le confinement, six Français sur dix ont estimé que leur pouvoir d'achat avait baissé. En cause notamment, l'impression que les prix des produits alimentaires frais avaient flambé. Une impression confirmée par certaines études et statistiques.

Ainsi, l'UFC-Que choisir a analysé en avril les prix de 116.000 produits dans 4.600 drives. Conclusion, la hausse de prix moyenne serait de 9% sur l'ensemble du rayon (6% sur les produits conventionnels mais 12% sur les fruits et légumes bio).

Plus impressionnant encore, dans sa dernière note sur l'indice des prix à la consommation d'avril, l'Insee observe une hausse de 18,1% (contre +3,7% un an plus tôt) pour les produits frais. Précisons que l'institut national des statistiques économiques englobe uniquement les fruits, les légumes, le poisson et les fruits de mer dans cette catégorie.

+18% sur un an? Oui, mais...

Pour autant, il faut manipuler ces chiffres avec beaucoup de précautions. Marie Lecler, cheffe de la division "indice des prix" de l'Insee nous explique ainsi que ce segment de produits "est très volatil" en termes de prix puisqu'il dépend de "facteurs très conjoncturels comme le niveau des récoltes, la météo" qui pèsent sur l'offre et donc les prix.

Si la responsable admet "une évolution forte", elle ajoute qu'elle n'est "pas forcément surprenante". En effet, si on observe les indices sur une période longue, on s'aperçoit que les prix des aliments frais peuvent connaître des hausses (et des baisses) brutales: +11% en septembre 2018 et en février 2017, +13% en juillet 2010 et même +18,4% en janvier 2002.

Bref, ce +18% annuel doit être relativisé, décomposé. "L'inflation de ces produits est difficile à apprécier, à mesurer mais il y a bien eu une hausse qui est sans surprise", explique de son côté Nicolas Champ, directeur Food Retail Equity Research pour Barclays.

Une offre française plus chère

Le spécialiste met en avant plusieurs facteurs qui expliquent cette hausse: "la production et la récolte ont été impactés faute de main d'oeuvre, tandis que les distributeurs ont dû se fournir quasiment exclusivement auprès de producteurs français" dont les prix sont plus élevés que leurs concurrents européens. "Il faut aussi prendre en compte le surcoût de la chaîne logistique" avec moins de camions sur les routes.

Autres facteurs: "l'arrêt des promotions dans la grande distribution, et la fermetures des marchés et des restaurants". En clair, une moindre concurrence fait mécaniquement augmenter les prix.

Mais pour Nicolas Champ, la perception par les ménages de la hausse de prix pour ces produits est aussi la conséquence des changements d'habitudes dus au confinement. "Les Français ont privilégié les commerces de proximité ou les drive où les produits frais sont moins nombreux" et généralement plus chers. Par ailleurs, certains ménages, faute de trouver dans les rayons certains produits frais qu'ils avaient l'habitude de consommer, se sont aussi tournés vers des produits de substitution parfois plus chers (par exemple les fruits et légumes bio). 

Changements d'habitudes

Maintenant que le déconfinement a débuté, peut-on tabler sur un retour à la normale côté prix? Rien n'est moins sûr. "Des choses vont se remettre en place comme les promotions. Mais la question est de savoir si les changements d'habitudes vont perdurer. Si les consommateurs continuent à privilégier les magasins de proximité, il y aura toujours un surcoût. Ou vont-ils retrouver le chemin des grandes surfaces plus à même de proposer des prix bas?", s'interroge Nicolas Champ.

"Le retour à la normale sera progressif et on n'effacera pas huit semaines de confinement comme ça. En réalité, personne ne peut prévoir la suite", conclut l'expert.

Olivier Chicheportiche