BFM Business
Conso

Les Français gagnent du pouvoir d'achat, selon l'Insee, mais l'économie française n'en profite pas

placeholder video
Le pouvoir d'achat réel aura augmenté de 2,1% en 2024, selon l'Insee, mais ces gains n'ont été ni consommés, ni investis mais principalement épargnés ce qui n'est pas très productif pour l'économie française.

L'amélioration du niveau de vie des ménages est-elle bonne pour l'économie dans son ensemble? C'est la question que pose en creux la dernière note de conjoncture de l'Insee publiée ce mardi 17 décembre.

Côté pile on a donc le pouvoir d'achat qui s'est très bien porté cette année pour les ménages français dans leur ensemble.

"Le pouvoir d'achat des ménages aurait augmenté de 2,1%, ce qui est quand même le double de la croissance, confirme Dorian Roucher, chef du département conjoncture de l'Insee sur BFM Business. Et c'est corrigé de l'inflation: les revenus réels ont augmenté de 4%, l'inflation est à 2%, ce qui donne 2% de pouvoir d'achat."

Une hausse du pouvoir d'achat qui s'explique par une baisse très forte de l'inflation depuis 18 mois, elle devrait même tomber à 1% dans les mois qui viennent avec la baisse des prix de l'électricité. À l'inverse, les revenus (que ce soit les salaires ou les retraites) ont été "indexés à l'inflation passée", comme l'explique l'économiste de l'Insee.

Par exemple, les pensions de retraite ont été augmentées de 5,3% le 1er janvier dernier, un niveau bien plus élevé que l'inflation sur l'année qui a été de 2%. Idem, dans une moindre mesure, sur les salaires qui ont été revalorisés sur la base de l'inflation de l'année précédente.

La surprise du taux d'épargne

Ces gains ont-ils donc été bénéfique pour l'économie? Autrement dit ont-ils permis aux entreprises d'engranger de la croissance? Ont-ils été investis dans des secteurs en difficulté comme le bâtiment? Ont-ils généré des emplois et des investissements

C'est là que le bât blesse. Commme le constate l'Insee, ces gains de pouvoir d'achat n'ont pour la plupart pas été consommés ou investis.

"En 2024, on a plus de 2% [de croissance] de pouvoir d'achat mais on a moins de 1% [de croissance] de la consommation, indique Dorian Roucher. C'est la surprise de la forte hausse du taux d'épargne."

À l'image de leurs voisins allemands, italiens ou espagnols, les Français ne cessent depuis plus de deux ans d'épargner une part croissante de leur revenu. Elle dépasse légèrement les 18% du revenu disponible en 2024, soit une hausse de deux points par rapport à 2022. Comparé à la période d'avant-Covid, le taux d'épargne est même quatre points supérieur à la moyenne constatée entre 2014 et 2019.

Ainsi les sommes placées sur les livrets (A, LDDS et épargne populaire) battent records sur records et atteignaient 660 milliards d'euros au milieu de l'année. Même les livrets d'épargne populaire réservés aux Français les plus modestes crèvent le plafond avec un encours total de près de 76 milliards d'euros, soit près du double de celui de 2021 (38,4 milliards d'euros).

Une augmentation de l'épargne qui a surpris les économistes. Généralement, la hausse du taux d'épargne se constate dans les périodes de récession, de hausse rapide du chômage ou de très forte inflation. Ce qui n'a pas été le cas en 2024.

"Décalage entre inflation réelle et perception"

"Personne ne s'attendait à ce que le taux d'épargne qui était déjà très élevé continue à augmenter, reconnaît Dorian Roucher. Le premier élément [de l'explication] c'est un effet stigmate de l'inflation, les ménages ont perçu avec retard le fait que l'inflation avait baissé. Jusqu'à l'été 2024 ils étaient encore très nombreux à nous dire: 'ça a beaucoup augmenté sur les 12 derniers mois'. Il y a six à huit mois de décalage entre la perception qu'ont les ménages de l'inflation et ce que nous on relève quand on va relever des milliers de prix."

L'autre explication est la déformation du revenu depuis deux ans. La hausse du pouvoir d'achat s'explique aussi en grande partie par la hausse des taux d'intérêt qui a profité aux épargnants. Or ces revenus du patrimoine ont davantage tendance à être à leur tour épargnés que les salaires réels qui, eux, ont plutôt baissé.

La perception de la désinflation, voire de la baisse de prix de certains produits du quotidien, a débuté il y a quelques mois à peine pour les consommateurs. L'Insee s'attend donc logiquement à ce que la consommation reparte dans les prochaines semaines.

Une relance par la consommation est espérée, de même que par l'investissement. Car l'autre enseignement de la note de l'Insee est que la part non consommée du revenu disponible n'a pas été utilisée de manière très productive. L'investissement des ménages (achat de logements neufs, gros travaux d’entretien et d’amélioration des logements...) a été délaissé ces trois dernières années.

En France, l'investissement en volume des ménages est même 12% plus bas en 2024 qu'en 2019. La hausse des taux d'intérêt pour juguler l'inflation, les incertitudes politiques et le manque de confiance des ménages sont les explications avancées.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco