Épargne réglementée: pourquoi les sommes placées sur les livrets grimpent encore

C’est une surprise, le mois dernier, les Français ont mis davantage d’argent sur leur livret A qu’en juin. Depuis le mois de mars, ce qu’on appelle la collecte nette -la différence entre le montant des dépôts et les retraits effectués- n’avait jusqu’alors pas cessé de baisser.
Bien entendu, il est trop tôt pour dire s’il s’agit d’un retournement de tendance, mais ce rebond démontre en tout cas que même si les vacances sont une période où les ménages ont tendance à se lâcher sur le plan financier, ceux qui le peuvent tiennent toujours à garder de quoi mettre de côté. Par ailleurs, même si elle a pu baisser au printemps, cette collecte reste toujours largement positive. De sorte que les Français ont aujourd’hui plus d’argent disponible, en cas de besoin, que l’été dernier.
Livrets A + LDDS + LEP = 660 milliards d'euros
En additionnant les sommes placées sur les livrets A, les LDDS et les livrets d’épargne populaire, qui est réservé aux ménages le plus modestes, on arrive quasiment à 660 milliards d’euros. Un constat s’impose donc: la guerre en Ukraine et la forte inflation qu’elle a engendré n'a pas empêché cet énorme bas de laine de continuer à grossir.
Il faut en effet se souvenir que pendant le Covid, les Français ont pu mettre davantage d’argent sur leurs livrets, puisqu’ils avaient moins d’occasion de dépenser ce qu’ils gagnaient. Ils ne s’en sont d’ailleurs pas privés. Entre 2019 et 2022, le montant total de l’épargne placée sur les livrets A et LDDS est passé de 411 à 510 milliards d’euros, soit quasiment 100 milliards d’euros de plus en seulement trois ans.
Des produits d'épargne parés de toutes les vertus aux yeux des Français
Mais l’impact du retour de l'inflation sur le pouvoir d’achat des ménages n’a pas empêché cette épargne de continuer à grimper fortement: 72,5 milliards d’euros d'épargne supplémentaires sur ces deux livrets "cousins" en à peine plus d’un an et demi.
L’explication est double. En premier lieu, il y a le fait que ces livrets sont redevenus des placements parés de toutes les vertus aux yeux de Français qui n’aiment pas prendre de risque avec leur épargne. D’abord ils les protègent de l’inflation, leur taux étant de nouveau supérieurs à la hausse des prix ; ensuite, les revenus générés ne sont pas imposables et enfin ce sont des placements faciles à gérer: en deux ou trois clics, on peut recréditer son compte courant ou faire fructifier une partie de son salaire, ne serait-ce que pour quelques semaines.
Quand les ménages sont inquiets pour l'avenir, ils cherchent à mettre davantage d’argent de côté
La deuxième raison tient au fait que même si leur pouvoir d’achat a eu tendance à baisser avec l’inflation, une part importante des Français préfèrent se serrer davantage la ceinture plutôt que de puiser dans leur épargne. Car il y a une règle intangible en économie: quand les ménages sont inquiets pour l’avenir, non seulement ils préservent leur bas de laine, mais ils cherchent même à mettre davantage d’argent de côté, pour se protéger.
Voilà pourquoi dans les périodes d’incertitude le taux d’épargne augmente. Le taux d’épargne c’est la part de ses revenus qui n’est pas consommée. Avant 2020, avant donc la pandémie de Covid, au premier trimestre de chaque année, il tournait autour des 13-14%. Depuis à cette même période de l’année, il s’est maintenu bien au-delà, atteignant jusqu’à 21% en 2021. Et la Banque de France le situait encore à 17,1% sur les trois premiers mois de cette année.
Cela ne fait pas des Français les champions d’Europe, les Allemands épargnent encore plus que nous. Mais, par exemple, en Italie le taux d’épargne est deux fois plus bas qu’en France. C’est d’ailleurs l’un des points qui rassurent les marchés quant à la capacité de la France à rembourser sa dette. L’Etat peut bien être cigale tant que ses contribuables restent des fourmis.
