L'insolente ascension de Lidl en France qui agace ses concurrents

Le permis de construire d'un magasin Lidl à Marignane sur la sellette - AFP
"Le seul concurrent qui m'intéresse en France c'est Leclerc. Lui c'est un commerçant, un vrai. Et si je regarde la concurrence, je préfère regarder le premier que le dernier." Michel Biero, le directeur commercial de Lidl France n'y va pas par quatre chemins. Son objectif en France c'est d'aller taquiner Leclerc.
Et même si le discounter est encore loin du leader français de la grande distribution qui, fort de son historique, pèse plus de 20% du marché, il a pour lui la meilleure dynamique du secteur. En dix ans, l'enseigne allemande a vu sa part de marché progresser régulièrement pour atteindre les 6,2% en France (contre moins de 5% au début des années 2010). Dans un secteur en pleine mutation où les groupes d'intégrés comme Carrefour et Auchan souffrent avec leurs grands hypermarchés, Lidl lui connaît une croissance régulière de son chiffre d'affaires (+4,5% par an en moyenne depuis 10 ans).
Quel est le secret de la réussite de Lidl? D'abord, à la différence de ses concurrents, l'enseigne fait peu cas des grandes marques. Certes Lidl en propose dans ses rayons depuis une grosse dizaine d'années (Coca-Cola, Nutella etc.) mais elle le fait un peu à contre-coeur et se refuse à attirer le consommateur à coups de grosses promotions comme le font les autres enseignes. Pas de -70% sur le Nutella chez Lidl ou autre un acheté/un offert.
"Ces promotions sur les marques nationales n'ont pas une grande utilité, vous allez en vendre plus sur le moment mais pas sur l'année, estime Michel Biero. Est-ce que vous allez boire deux bols de lait le matin ou manger six tartines de Nutella parce que vous aurez acheté vos produits en promo? Non bien sûr."
Si Lidl propose 280 grandes marques dans ses magasins, la chaîne privilégie ses propres marques qui représentent 90% de ses ventes.
"Et cette part de nos MDD à tendance à augmenter", assure le directeur commercial de Lidl. Les produits qu'ont ne trouve que chez Lidl sont achetés par l'enseigne au niveau national pour l'ensemble de ses 1550 magasins français, ce qui lui permet d'avoir des prix d'achat très bas grâce aux gros volumes.
"Nous n'attaquons pas nos concurrents"
Car l'offre de Lidl est partout la même et relativement limitée. Quand Carrefour ou Auchan proposent des dizaines de milliers de références dans leurs magasin, Lidl lui n'en propose que 1800. Et ce nombre est relativement stable dans le temps.
"Si on en propose plus, on sort du modèle Lidl", explique Michel Biero. Les clients de Lidl savent qu'il ne trouveront pas tout dans leur magasin mais seulement l'essentiel à prix intéressant.
Et pour continuer à progresser Lidl dispose de deux leviers: attirer une nouvelle clientèle et ouvrir de nouveaux magasins. Depuis quelques années déjà, Lidl tente ainsi une subtile montée en gamme en proposant du foie gras ou du caviar pour les fêtes, en multipliant les foires aux vins avec des grands crus et ou en mettant l'accent sur le bio qui représente 10% de son offre alimentaire (et 20% de ses fruits et légumes). L'idée est d'attirer une clientèle plus aisée en espérant la convertir.
Car si Lidl a longtemps pâti d'un image très bas de gamme, elle est petit à petit en train de changer. Outre son offre plus premium, l'enseigne a beaucoup investi dans son parc de magasins pour le rendre plus attrayant. Des magasins désormais plus grands (1400 m² de moyenne contre 500 auparavant) et plus beaux (mobilier en bois, transparent, plafonds plus hauts...).
L'enseigne rénove ou reconstruit quelques dizaines de magasins par an et tente d'en ouvrir une cinquantaine de nouveaux par an. Même si elle n'y parvient pas forcément, ses concurrents ont tendance à bloquer les ouvertures de Lidl en attaquant les autorisations d'implantation commerciale.
"Nous, nous n'avons jamais envoyé une seul courrier d'avocat à un de nos concurrents en 30 ans, assure Michel Biero. Mais nous n'en avons pas besoin, nous pensons que notre modèle fonctionne."
