L'anticipation des négociations commerciales en passe d'être entérinée, pour un résultat incertain

L'anticipation de quelques semaines des négociations commerciales entre supermarchés et industriels pour 2024, une mesure censée lutter contre l'inflation des prix alimentaires, devrait être approuvée par le Parlement mardi en dépit du scepticisme de nombreux acteurs. Les négociations commerciales annuelles entre les supermarchés et leurs fournisseurs de l'agro-industrie, qui déterminent les conditions de vente (prix d'achat, place en rayon, calendrier promotionnel...) pour l'ensemble de l'année qui suit, se concluent traditionnellement le 1er mars. Mais le gouvernement a décidé de les avancer exceptionnellement pour l'année 2024, au motif que les baisses de nombreux prix de matières premières (blé, tournesol, maïs, huiles...) n'ont pas été répercutées l'année précédente sur les prix facturés aux distributeurs par les industriels.
Un dernier vote de l'Assemblée nationale attendu en fin de journée devrait entériner le projet de loi, déjà adopté en première lecture même si certains, notamment au Sénat, se montrent sceptiques sur les effets de cette mesure, telle Anne-Catherine Loisier, rapporteur rattaché au groupe centriste, qui a dénoncé "un texte d'affichage à l'efficacité incertaine". Le gouvernement, par la voix de la ministre déléguée au Commerce Olivia Grégoire, a d'ailleurs annoncé vouloir lancer une "mission gouvernementale transpartisane pour réfléchir à la réforme du cadre global des négociations commerciales".
Certaines matières premières augmentent encore comme le cacao et le sucre
Concrètement, les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à 350 millions d'euros devront boucler leurs négociations avec les supermarchés le 15 janvier et les plus grosses, multinationales ou géants de l'agro-industrie, le 31 janvier. Ce calendrier "nous convient bien parce qu'il va permettre d'obtenir rapidement des baisses de prix substantielles, dès le 15 janvier", a assuré le cabinet d'Olivia Grégoire le 6 novembre, au moment où députés et sénateurs annonçaient avoir trouvé un accord sur le texte de loi.
"Tout ce qui peut accélérer la baisse du rythme de l'inflation va dans le bon sens", a relevé le président de la principale organisation des industriels de l'agro-alimentaire, l'Ania, Jean-Philippe André. Mais si "objectivement il y a des matières premières qui sont aujourd'hui orientées à la baisse, il y en a aussi qui augmentent, comme le cacao et le sucre", a-t-il nuancé.
Et la négociation "porte aussi sur tout ce qu'il y a autour, le carton et l'aluminium, et les frais de personnel qui ont augmenté" du fait de l'inflation, a-t-il souligné. L'Adepale, association représentant des PME et ETI de l'alimentation, estime que "rien ne permet aujourd'hui d'affirmer avec certitude que l'avancement des négociations conduira à une baisse des prix".
Les distributeurs reçoivent surtout des demandes de hausses de tarif
Quant aux représentants de la grande distribution, ils affirment recevoir surtout des conditions générales de vente - qui font office de point de départ des négociations - demandant des hausses de tarif par rapport à l'année précédente.
"On a espoir que les baisses" de prix seront "possibles" lors de ces négociations, déclarait fin octobre Thierry Cotillard, patron des Mousquetaires/Intermarché, numéro 3 du secteur derrière E.Leclerc et Carrefour. Mais cet espoir, ajoutait-il, risque de "se heurter aux grandes marques qui ne veulent pas répercuter les baisses".
En tout état de cause, l'inflation donne des signes de net ralentissement. Selon les données provisoires communiquées le 31 octobre par l'Insee, les prix ont augmenté de 4% en octobre sur un an, ceux de l'alimentaire progressant encore de 7,7%. En outre, si certains prix sont en baisse depuis quelques mois, ils sont encore bien loin de retrouver leur niveau de 2019.