Fréquentation et chiffre d'affaires en berne: les soldes, la fin du modèle?

Promotions moins intéressantes que sur internet, peur du Covid, télétravail... Cette année encore, les planètes ne sont pas alignées pour les soldes. Les commerçants sont inquiets. Le premier week-end fut catastrophique, avec une baisse de fréquentation allant jusqu'à moins 30% par rapport à l'avant-crise, en 2019, selon Procos, la Fédération représentative du commerce spécialisé.
Télétravail, contaminations au Covid et fermeture de classes sont autant de facteurs qui découragent les Français de se rendre en magasin. Mais la crise sanitaire est-elle vraiment responsable de ce mauvais démarrage, ou n'a-t-elle fait qu'accentuer un phénomène déjà présent? Le modèle des soldes est-il obsolète? Pas encore.
Réguler les promotions intempestives
La Fédération Nationale de l'Habillement (FNH), qui représente les boutiques de mode indépendantes, appelle à plus de régulation des promotions. En France, les périodes de soldes permettent aux commerçants de vendre à perte deux fois dans l'année, pendant quatre semaines, pour écouler leurs stocks.
Mais depuis quelques années, les grandes enseignes multiplient les opérations pré-soldes avec les ventes privées, quand sur internet, les promotions ont lieu tout au long de l'année. Rien n'interdit ces pratiques, tant que les entreprises ne vendent pas à perte.
"Beaucoup d'indépendants essayent de s’aligner sur les ventes privées des grandes enseignes, car quand la moitié de la rue fait des offres promotionnelles, le petit commerçant se sent obligé de le faire. Sinon, le consommateur ne comprend pas et va acheter ailleurs", explique Florence Bonnet-Touré, secrétaire générale de la FNH.
"Les soldes sont noyés par ces promotions qui ont lieu toute l'année. A la Saint-Valentin, à Pâques, pendant le Black Friday qui dure maintenant une semaine... Le message est brouillé. On voudrait retrouver ce rendez-vous avec les clients", ajoute-t-elle.
Un chiffre d'affaires plombé par la crise
Sur les cinq premiers jours de ces soldes d'hiver, le chiffre d'affaires 2022 est en baisse de 29% par rapport à l'avant-crise, en 2019, et de -19% par rapport à 2020, selon l'Alliance du Commerce, qui a présenté ce mardi son bilan 2021 du marché de l'habillement. La comparaison avec 2021 n'est pas très pertinente puisque l'année dernière, les soldes avaient été décalées de deux semaines.
Selon l'organisation professionnelle, le problème n'est pas l'attractivité des soldes mais la morosité ambiante liée à la situation sanitaire. Sur les cinq premiers jours, la fréquentation des boutiques est en baisse de -35% par rapport à 2019. Et contrairement à ce que l'on pourrait penser, le e-commerce ne s'en sort pas mieux. Les ventes en ligne connaissent la même baisse qu'en magasin, de -29% par rapport à 2019.
Signe que le Covid pèse sur les envies d'achat des Français, en 2021, dès que la situation sanitaire s'est améliorée, les achats sont repartis à la hausse. En juillet et en août, le chiffre d'affaires dans les magasins d'habillement a ainsi rebondi de 11% et 4% par rapport à 2019.
Supprimer les soldes n'est pas envisageable pour les commerçants. Selon l'Alliance du Commerce, le mois de janvier, celui des soldes d'hiver, est le deuxième mois d'activité pour l'habillement. Surtout, il est essentiel pour écouler les stocks et reconstituer la trésorerie des entreprises, qui servira notamment à financer les collections futures.
Un phénomène encore marginal émerge depuis quelques années: certaines marques revendiquent de ne pas faire de soldes. Se présentant comme éthiques et engagées, ces acteurs affirment pratiquer un "prix juste" tout au long de l'année, ne leur permettant de baisser leurs tarifs. Mais la pratique concerne surtout le milieu haut-de-gamme et non la fast fashion, qui use et abuse des promotions à l'année pour proposer des prix toujours plus bas.