Arnaque: ils menacent de couper la ligne téléphonique d'une nonagénaire et lui soutirent près de 200.000 euros

C'est une histoire qui interroge sur la responsabilité des établissements bancaires face aux opérations suspectes de leurs clients âgés. Dans son édition du jour, Le Parisien relate la triste histoire d'une habitante de Clamart (Hauts-de-Seine) âgée de 96 ans, qui a perdu la somme de 194.000 euros dans le cadre d'une escroquerie menée par deux personnes entre juillet 2021 et janvier 2022. Pour ce faire, les escrocs n'ont jamais eu besoin d'accéder aux comptes bancaires de la victime et se sont contentés d'inciter l'ex-institutrice à racheter des parts de son assurance-vie qui étaient ensuite retirées en espèces dans deux agences du secteur.
Des virements de 10.000 euros et des retraits plus "petits" mais quotidiens
L'organisation entre en contact avec la nonagénaire par le biais d'un appel d'un faux service de l'opérateur Orange qui lui signale des impayés. Face au risque de coupure de sa ligne téléphonique qu'on lui mentionne, la dame âgée accepte l'aide d'une avocate que lui recommande la personne à l'autre bout du fil. Une dénommée "Carole" la joint et lui propose de s'occuper de son "litige" avec Orange moyennant une rétribution particulièrement onéreuse. Durant l'été 2021, la retraitée se rend au Crédit mutuel où elle effectue ainsi trois retraits d'espèces pour un total de 38.500 euros qu'elle remet directement à "l'avocate".
Cette dernière est même parvenue à obtenir l'ouverture d'un second compte en banque à la Société Générale, lequel "a notamment servi à effectuer une dizaine de virements de 10.000 euros chacun vers la Belgique", comme l'évoque le quotidien. Pendant plusieurs semaines, la nonagénaire retire également la somme de 500 euros à un rythme quotidien, toujours au distributeur du Crédit mutuel, puis remet les coupures à un complice de "Carole", un homme d'une cinquantaine d'années qui venait jusqu'en bas du domicile de la victime où il a finalement récolté plus de 25.000 euros.
Plainte classée sans suite
L'extorsion prend des dimensions ahurissantes et la dame âgée se voit contrainte de mettre en vente son appartement lorsque l'avocate lui réclame 45.000 euros en lui suggérant de racheter l'intégralité de son assurance-vie. C'est cette étape qui met la puce à l'oreille d'un proche de l'habitante de Clamart lorsqu'il en entend parler. L'ancien employé de banque invite immédiatement la victime à porter plainte dès février 2022, ce qui permet la sauvegarde de 60.000 euros et le placement de la nonagénaire sous curatelle. Mais les enquêteurs de réussissent pas à remonter la piste des arnaqueurs malgré l'identification du numéro de téléphone, la description des escrocs ou encore les relevés d'identités bancaires à leur disposition. Si bien que le parquet de Nanterre classe la plainte sans suite en septembre dernier.
Le proche ne souhaite pas en rester là et estime que les deux établissements bancaires ont une part de responsabilité dans cette mésaventure. Il les contacte pour leur faire part des dysfonctionnements qu'il a identifié tandis que la vraie avocate de la victime formule des demandes de médiation. Les deux banques reçoivent la vieille dame mais mettent en avant le respect du principe de "non-immixtion", "qui prévoit que la banque ne peut s'immiscer dans les affaires de son client, sauf anomalie apparente" comme le rappelle Le Parisien. Si la Société Générale n'a pas fait de commentaires auprèsn du quotidien, le Crédit mutuel exprime des regrets mais assure avoir transmis les recommandations d'usage:
"Nous avons fait signer des lettres de décharge et adressé plusieurs courriers de mise en garde à la cliente, qui a systématiquement expliqué qu’elle faisait ce qu’elle voulait de son argent."
"Devoir de vigilance"
Selon Mélanie Saldanha de l'UFC-Que choisir, ces lettres de décharge sont autant de preuves que la banque nourrissait des doutes sur les opérations en question. "La banque se prémunit du secret bancaire et risque des sanctions en cas de non-respect des règles de confidentialité, explique la juriste de l'association de consommateurs au Parisien. Mais dans ce cas précis, si un des établissements a fait signer des lettres de décharge, c’est qu’il y avait des doutes sur la nature des opérations."
"Si la banque ne fait rien alors qu’elle constate un abus, sa responsabilité peut-être engagée, c’est la question du devoir de vigilance qui se pose", poursuit-elle.
Mélanie Saldanha évoque quelques outils préventifs que l'établissement aurait pu mettre en place tels que la réduction des plafonds de retrait ou encore la restriction des moyens de paiement.