Amazon livre gratuitement les livres dans ses casiers et c'est illégal pour le Médiateur du livre

Un colis dans un entrepôt français d'Amazon, en décembre 2021. - Thomas Samson
Le géant du commerce en ligne Amazon contourne la loi française en expédiant sans frais de port des livres à retirer dans des casiers automatisés, installés notamment dans les supermarchés, a affirmé ce mardi 27 mai le Médiateur du livre, autorité publique indépendante.
Le différend porte sur l'interprétation d'une loi qui, depuis octobre 2023, impose des frais de port de 3 euros minimum pour toute expédition de livres neufs, "sauf si le livre est retiré dans un commerce de vente au détail de livres".
Amazon France estime que cette disposition lui permet de livrer gratuitement dans ses casiers ("lockers").
"Très net désaccord"
Chargé de trancher, le Médiateur avait déjà affirmé en février que ces casiers ne permettaient pas légalement de supprimer les frais de port. En revanche, Amazon peut livrer gratuitement des livres retirés, par exemple, à l'accueil d'un supermarché qui a un rayon librairie, ajoutait-il.
Trois mois plus tard, le Médiateur du livre "ne peut que constater un très net désaccord" avec le groupe américain, qui "récuse cette lecture de la loi et entend maintenir le retrait gratuit en casiers", déplore-t-il.
"Le retrait gratuit de livres en casiers automatisés constitue aujourd'hui un réel défi à la mise en oeuvre de la loi", estime le Médiateur. Selon lui, cela concerne "un tiers (voire davantage) des milliers de points de retrait gratuit" pour les colis Amazon.
"Les avis du Médiateur du Livre confirment clairement que la livraison de livres peut être gratuite lorsque le retrait est effectué dans tout magasin qui vend des livres, tel que cela est prévu par la réglementation en vigueur et pratiqué par Amazon et de nombreux acteurs de la grande distribution et des grands magasins spécialisés comme Fnac et Cultura. Nous continuons cependant d’être en désaccord avec certaines conclusions de ces rapports qui se nourrissent d’une lecture biaisée du droit applicable", répond Amazon à BFM Business.
Rachida Dati a promis "d'y répondre"
Amazon prend le risque d'entrer en conflit frontal avec l'exécutif sur cette affaire.
"C'est un contournement de la législation" et "on va y répondre", affirmait la ministre de la Culture Rachida Dati en décembre.
L'organisation représentative de la première profession concernée, le Syndicat de la librairie française, accuse le groupe d'avoir "une stratégie délibérée de pertes sur le marché du livre" pour provoquer la disparition de points de vente, alors que les librairies indépendantes disent se battrent pour leur avenir.
La médiation ayant échoué, l'affaire peut être portée devant la justice.
La France attend par ailleurs un avis de la Cour de justice de l'Union européenne au sujet de sa loi de 2021 sur l'économie du livre, qu'Amazon estime non conforme au droit communautaire.