CO2 enfoui, combustible alternatif… Comment les cimentiers veulent réduire leurs émissions de 50% d'ici 2030

Saint-Gobain teste des usines zéro carbone. - AFP
Les industriels du ciment vont proposer à l'Etat une feuille de route pour "accélérer" leur décarbonation et réduire de 50% leurs émissions de CO2 d'ici 2030, avant d'atteindre la quasi-neutralité carbone d'ici 2050, moyennant un investissement global de quelque 5 milliards d'euros.
Cette réponse des cimentiers au pacte de décarbonation proposé par Emmanuel Macron aux industries les plus polluantes le 8 novembre dernier s'appuie sur "deux types de leviers", a expliqué jeudi Bruno Pillon, président du syndicat des cimentiers (anciennement Sfic, désormais France Ciment), dans un entretien à l'AFP: la décarbonation des procédés et matériaux de fabrication et le captage du carbone.
Une feuille de route "plus ambitieuse"
L'enjeu est de taille : le ciment traditionnel, fruit de la cuisson du calcaire pendant des heures à plus de 1.400 degrés Celsius pour obtenir l'élément de base, le clinker, émet presque une tonne de CO2 par tonne de ciment produit.
"On a présenté une feuille de route il y a trois ans où on disait "on va réduire nos émissions de 24% à l'horizon 2030". Aujourd'hui, on vient avec une feuille de route beaucoup plus ambitieuse, on pense que les 50% sont atteignables", a déclaré Bruno Pillon.
Pour décarboner la production, la profession souhaite réduire la consommation de combustible fossile dans ces fours, en portant "la part des combustibles alternatifs (déchets non recyclables des collectivités et industries voisines) à 80% d'ici à 2030", contre à peu près 45% aujourd'hui.
Une démarche "déjà enclenchée", d'après Bruno Pillon, qui indique par exemple que le groupe Heidelberg Materials, dont il dirige la filiale française, a commencé à investir 600 millions d'euros dans ce domaine.
Du CO2 enfoui sous terre
Autre procédé en développement, la réduction de la teneur en clinker du ciment, en lui substituant de l'argile calcinée, un composant "beaucoup moins émissif" en CO2, selon Bruno Pillon. Les industriels souhaiteraient ramener la teneur en clinker de 75% actuellement à 68% en 2030 et 62% en 2050. Ces procédés permettraient de réduire de 27% les émissions.
"Pour atteindre les objectifs de 50%, il n'y a qu'une solution, c'est le captage du carbone", a estimé Bruno Pillon, qui espère que le secteur pourra s'appuyer sur "le développement des infrastructures de captage, stockage et valorisation du carbone mutualisé au coeur de hubs territoriaux".
Lorsqu'on l'interroge sur le calendrier serré, Bruno Pillon rétorque que "ces technologies existent": "le groupe que je représente va, dès l'année prochaine, enfouir dans son usine de Brevik en Norvège sa première tonne de CO2" avec un objectif à terme de 400.000 tonnes par an, avant une opération similaire en 2025, dans l'usine suédoise de Slite.
Compte tenu des lourds investissements, "il faut que tout ça soit soutenu par le gouvernement", soutient toutefois Bruno Pillon.
"Multiplier par 5 MaPrimeRenov"
Emmanuel Macron avait proposé le 8 novembre 2022 un pacte de décarbonation aux industriels les plus émetteurs de CO2 en France avec un doublement de l'aide publique à 10 milliards d'euros en échange d'un doublement de leur effort en la matière.
Il avait alors reçu les dirigeants des 50 sites industriels français les plus émetteurs de CO2, qui représentent la moitié des émissions de l'industrie, soit 10% des émissions du pays. Sur ces 50 sites, figuraient 22 cimenteries, selon Bruno Pillon.
Pour Benoît Bazin, le directeur-général du géant Saint-Gobain, la réduction des émissions devra aussi passer par la construction.
"Le bâtiment a déjà baissé d'un tiers ses émissions de CO2 depuis les années 90, il doit les diviser par deux ces huit prochaines années, rappelait-il ce mercredi sur BFM Business. Aujourd'hui en France, 44% de l'énergie est dépensée dans les bâtiments, il faut sur MaPrimeRenov des ordres de grandeur 4 à 5 fois supérieurs à ce que l'on a fait ces dernières années."