Christiane Lambert, présidente de la FNSEA: "Michel-Edouard Leclerc prend en étau les industriels"

Les négociations sur les prix des produits entre grande distribution et industriels de l'agroalimentaire mettent indirectement la pression sur les agriculteurs français. Une situation invivable pour le secteur, a exprimé ce vendredi Christiane Lambert, présidente de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles), invitée de Good Morning Business.
Est-ce que vous pensez que c’est aux agriculteurs français de baisser leurs prix pour satisfaire le pouvoir d'achat des consommateurs? Pensez-vous que les agriculteurs français peuvent aujourd'hui baisser leurs prix de vente? Les céréales augmentent, le soja augment, donc l'alimentation de nos animaux, les poulets, les porcs, les bovins, est beaucoup plus chère. (...) Les coûts de production augmentent, nous nous avons besoin de vendre plus cher, or les demandes des distributeurs aujourd'hui c'est: moins cher, moins cher, moins cher. Alors que, devant Bruno Le Maire, ils s'étaient engagés, la main sur le coeur, de jouer la solidarité dans la filière agroalimentaire pour tenir un équilibre entre consommateurs et producteurs."
Invité de Jean-Jacques Bourdin la veille, Michel-Edouard Leclerc a proposé que l'Etat "décrète des prix minimums et qu'il sorte le secteur du jeu de la négociation".
Il est cynique Michel-Edouard Leclerc, il est lisse et gentil en plateau, dans les box de négociations cela ne se passe pas du tout comme ça, a réagi Christiane Lambert. Il dit que l'Etat fixe des prix minimums car il sait très bien que l'Etat ne peut pas faire ça: on n'est pas à l'ère du Gosplan en URSS où c'est le gouvernement qui fixe les prix. Par contre, la loi alimentation a mis en place un certain nombre de dispositifs qui permettent de tenir les prix."
Pour elle, Michel-Edouard Leclerc ne respecte pas vraiment l'esprit de cette loi:
Dans les discussions que nous avons nous avec les industriels, il est très souvent dans le top 3 des plus durs en négociation. Là il dit qu'il veut mettre des paniers à 1 euro: chaque fois qu'il fait des promotions pour des prix bas nous savons qu'il demande aux industriels de baisser. Il demande aujourd'hui des baisses de 2,5% à 3%. (...) Et il leur dit en même temps mais vous pouvez payer plus cher les producteurs, c'est votre affaire. Donc il prend en étau les industriels alors qu'il est écrit dans la loi alimentation qu'il faut construire les prix en marche avant pour les débouchés français. Je rappelle que 30% des agriculteurs ont eu un revenu négatif l'an dernier et avec des pratiques comme ça, cela va continuer."
Christiane Lambert a également critiqué cette guerre des prix et ces effets à la fois sur la sécurité alimentaire des Français et les revenus des producteurs:
"La question de fond c'est: est-ce que le meilleur distributeur de France, c'est celui qui est le moins cher? Est-ce que l'indicateur de performance d'un distributeur c'est de casser les prix? Ca fait 30 ans que ça dure et il y a plusieurs conséquences: il n'y a pas moins de pauvres et de précarité alimentaire (...), cela épuise l'industrie agroalimentaire qui a des faillites plus que dans d'autres secteurs d'activité, et cela tire sur les revenus des producteurs."