CBD: la filière soulagée après la suspension de l'interdiction de la vente des fleurs de cannabis

Gérant d'un magasin de CBD à Paris, Quentin Hiret évoque, comme le reste de la filière, son "soulagement" après la suspension par le Conseil d'État de l'interdiction de la vente des feuilles et fleurs de chanvre chargées de la molécule non-psychotrope du cannabis.
"Si la décision avait été maintenue, on n'aurait même pas tenu trois mois. J'ai envisagé le licenciement de mes employés", assure Quentin Hiret, gérant de la boutique High Society dans le quartier de Montparnasse.
Mardi matin, ce gérant, qui affirme tirer 80% de son chiffre d'affaires de la vente de produits à base de fleurs et de feuilles contenant du CBD, a pu remettre les fleurs brutes en exposition, mais l'inquiétude demeure.
"J'ai peur que ça ne s'arrête pas là, comme il s'agit seulement d'une suspension. On a perdu des clients pendant la période d'interdiction, certains ne reviendront sûrement pas", ajoute-t-il, en précisant avoir investi toutes ses économies, en mars 2021, dans l'ouverture de cette boutique.
Saisi par divers acteurs de la filière, le Conseil d'État a suspendu lundi "à titre provisoire" l'interdiction, prononcée par le gouvernement le 30 décembre de la vente et de la consommation de fleurs de chanvre contenant du cannabidiol (CBD). En attendant de se prononcer sur le fond.
Dans le centre de la capitale, des dizaines de pots contenant différentes variétés de fleurs de cannabis chargées en CBD trônent sur le comptoir de la boutique CBD Origin, ouverte en 2020 dans le 2e arrondissement.
Le magasin avait fait le choix de continuer à vendre les produits interdits après le 30 décembre. "On a seulement arrêté d'acheter les fleurs à nos fournisseurs afin de savoir comment ça allait se passer", explique le responsable du magasin, Sharif Babou.
Afin d'écouler ses stocks, il avait décidé de solder les produits sous le coup de l'interdiction. "On a fait des promotions tout au long du mois de janvier. Si un client achetait 50 grammes de fleurs brutes, il avait une réduction de 30%", détaille-t-il.
"Motif sanitaire"
Loin du "soulagement" des tenants du CBD, le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin a déclaré sur France Inter "regretter" la décision du Conseil d'État. "Toutes les substances qui relèvent du cannabis, de la drogue, sont très mauvaises pour la santé. Et on a pas augmenté le prix du tabac à 10 euros pour qu'on accepte la légalisation ou la dépénalisation du cannabis", a-t-il relevé.
Les acteurs de la filière ont eux salué une décision bienvenue, lors d'un point presse organisé par l'association L.630 qui plaide pour une réforme des politiques des drogues. Julien Bayou, secrétaire national d'EELV, qui a contribué à préparer le dossier, a pointé un "camouflet pour le ministre de l'Intérieur".
Après cette suspension, la filière espère désormais une annulation définitive du texte, même si l'examen sur le fond "peut prendre facilement six mois, un an", a précisé Yann Bisiou, maître de conférence à l'université de Montpellier et fondateur de l'association L.630.
Cette décision entraîne également des conséquences sur les poursuites pénales préalablement engagées: "en principe, les poursuites vont tomber", a souligné M. Bisiou.
Pour Quentin Diot, propriétaire d'un magasin vendant du CBD à Lunel (Hérault), c'est aussi un "gros soulagement". L'entrepreneur confie avoir reçu le 19 janvier la visite dans son commerce de six gendarmes, qui ont "saisi tout son (son) stock" dont "600 grammes de fleurs" pour une valeur totale de "4000 à 5000 euros".
Si le parquet n'a, selon lui, pas engagé de poursuites, le commerçant entend désormais récupérer ces saisies à la faveur de la décision du Conseil d'État.
Interpellé à l'Assemblée nationale, le ministre de la Santé Olivier Véran a répliqué que "tout ce qui se fume, avec de la combustion, n'est pas considéré comme allant dans le bon sens", rappelant que la décision sur le fond permettrait de trancher le débat. "Charge à nous de démontrer que le motif sanitaire est valable", a-t-il conclu.