BFM Business
Economie

Budget 2025: Michel Barnier entretient le flou autour de son projet de "justice fiscale"

placeholder video
Certains voient dans cette formule du nouveau Premier ministre une porte ouverte vers une hausse des impôts notamment des plus riches et des grosses entreprises. Pour d'autres, c'est tout l'inverse qu'il promeut.

Il aura fallu d'une phrase pour raviver un débat en forme de serpent de mer fiscal. "Je ne m'interdis pas une plus grande justice fiscale, les Français ont envie et besoin de justice" déclarait le nouveau Premier ministre, Michel Barnier au 20 heures de TF1, le lendemain de sa nomination. Une façon de remettre en cause le dogme fiscal, si cher à Emmanuel Macron, et ainsi de faire régner un parfum de cohabitation?

Si le locataire de Matignon s'est bien gardé de développer sa pensée, d'aucuns espèrent y voir un moyen de préparer le terrain à une éventuelle augmentation ciblée des impôts sur les revenus les plus élevés afin de redresser les comptes publics. S'il est inimaginable d'envisager un retour de l'ISF, Michel Barnier ayant toujours milité pour sa suppression, d'autres pistes sont sur la table.

Pas vers la gauche?

Parmi celles-ci, on retrouve l'idée d'augmenter indirectement l'impôt sur le revenu des plus hautes tranches, en ne les indexant pas sur l'inflation. Le Modem et la gauche espèrent -sans trop d'espoir- y voir également une ouverture pour relever la fiscalité des grandes entreprises, avec notamment une taxation des superprofits. Lors de l'examen du précédent budget, le groupe centriste avait déposé un amendement en ce sens, avant que celui-ci ne soit balayé par l'ancienne majorité.

Nicolas Doze face à Jean-Marc Daniel : Superprofits, pourquoi la taxe a échoué ? - 31/05
Nicolas Doze face à Jean-Marc Daniel : Superprofits, pourquoi la taxe a échoué ? - 31/05
6:34

L'idée d'un relèvement de la flat tax, dispositif fiscal de prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital, de 30% à 33, voire à 35%, est, lui aussi, relancé alors que le versement de dividendes a atteint un niveau inédit de 54 milliards d'euros au second trimestre 2024. Cette proposition avait été regardée par le gouvernement sortant avant, d'être enterrée, car celui-ci jugeait que les bénéfices rapportés, estimés à 1,5 milliard, étaient insuffisants au vu des baisses d'investissements redoutée.

Version libérale

Et si paradoxalement, justice fiscale rimait avec... baisse d'impôts? C'est en tout cas la version libérale défendue par la droite, dont est issu le Premier ministre. "C’est la gauche qui nous a habitués à la rhétorique faisant rimer justice fiscale et hausse des impôts", soutient le député Les Républicains Jean-Didier Berger dans la Croix.

L’Edito de Raphaël Legendre : La justice fiscale est de retour ! - 09/09
L’Edito de Raphaël Legendre : La justice fiscale est de retour ! - 09/09
3:17

"La question de la justice fiscale peut aller avec une absence de hausse des impôts", poursuit Véronique Louwagie, vice-présidente LR de la commission des finances de l’Assemblée nationale dans le quotidien.

"La justice fiscale peut être évoquée en termes de répartition des richesses et de redistribution, avec notamment une revalorisation, donc une meilleure rémunération, du travail."

Lors de la primaire de la droite en 2021, Michel Barnier avait défendu des mesures en ce sens, lui qui préconisait de réduire de 10 milliards d'euros les impôts de production et de baisser les charges sur les salaires intermédiaires.

Durant le passage de Bruno Le Maire à l'Économie, Bercy a encadré l'allégement des cotisations sur les bas salaires (baisse de 20 milliards entre 2018 et 2023 selon l'Urssaf). Pour autant, cette mesure n'a pas permis d'enrichir les salariés. Au contraire, elle a contribué à la smicardisation du pays, car le salaire minimum est devenu moins coûteux pour l'employeur. En 2023, 17,3% des salariés du privé étaient rémunérés au salaire minimum contre 10,6% début 2017.

Statu quo

Le nouveau Premier ministre pourrait se tourner vers une troisième forme de "justice sociale", celle du statu quo. En clair, poursuivre la politique menée par le précédent gouvernement. Soit le refus d'une hausse de la fiscalité hors rares exceptions. Michel Barnier pourrait travailler à la mise en place du prolongement de la taxe sur les énergéticiens et du projet de nouvelle taxe sur les rachats d'actions, deux mesures sur lesquelles s'étaient penché l'ancienne majorité.

Devant cette formule qui ouvre la voie à de multiples interprétations, une seule chose apparaît certaine: la difficulté de trouver un consensus au sein du "socle" que tente de mettre en place Michel Barnier. Et ce, d'autant que les oppositions ne seront pas en reste. Le Rassemblement national a annoncé qu'il votera la censure en cas de hausse d'impôts.

Théodore Laurent