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Berlin avait voulu empêcher Paris de baisser la TVA sur la restauration, aujourd'hui c'est l'Allemagne qui applique cette mesure

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L'Allemagne avait freiné la France durant 7 ans dans son projet de baisse de TVA sur la restauration. Maitenant c'est Berlin qui applique à son tour cette mesure fiscale qui n'a pourtant jamais produits les fruits espérés dans l'Hexagone.

Baisser les prix des restaurants et augmenter les salaires des employés du secteur. C'était l'objectif du gouvernement français en 2009 lorsqu'il avait consenti une baisse de 19,6% à 5,5% sur la restauration. Une mesure promise en 2002 par Jacques Chirac mais qui avait attendu sept longues années avant d'être autorisée.

En Europe, quelques pays s'opposaient en effet au projet français (or il faut l'unanimité des 27 pour modifier un taux de TVA) avec en cheffe de file Angela Merkel, l'ex-chancelière allemande. Berlin ne voulait pas entendre parler d'une baisse de la fiscalité sur la restauration en France car c'était une mesure coûteuse et pour ne pas avoir la pression de ses propres restaurateurs. Le pays avait fini par céder sous les demandes répétées cette fois de Nicolas Sarkozy et ce, pour redonner du pouvoir d'achat en pleine crise économique en 2009.

Deux décennies plus tard, l'Allemagne prend le même chemin que la France (qui est depuis bien longtemps revenue sur le taux réduit pour un taux intermédiaire de 10%). Le gouvernement allemand a adopté mercredi une série d'allégements fiscaux pour les citoyens et le secteur de la restauration face à la morosité économique persistante, suscitant de sévères critiques.

Entre 4,7 et 5,5 milliards d'euros

La principale mesure consiste en la hausse de la déduction kilométrique pour les trajets domicile-travail, portée à 38 centimes par kilomètre, contre 21 centimes jusqu'ici. Mais parallèlement, le taux de TVA sur la restauration et les services de repas (hors boissons) a lui aussi été abaissé de 19% à 7%, entraînant un allégement annuel de 3,6 milliards d'euros pour le secteur et les consommateurs. Deux mesures très coûteuses qui devraient représenter environ 4,7 à 5,5 milliards d'euros par an à partir de l'an prochain. Déjà critiquées lors de la présentation du contrat de coalition au printemps, elles ont suscité mercredi une forte opposition.

Ces décisions "vont dans la mauvaise direction", selon Veronika Grimm, membre du Conseil des sages économiques, conseillant le gouvernement allemand, citée par le quotidien régional Rheinische Post. Selon elle, le gouvernement devrait au contraire consolider ses finances et utiliser ses marges budgétaires pour des dépenses et réformes tournées vers l'avenir. La politique menée à Berlin pourrait en outre "renforcer les extrêmes", dans un pays où le parti populiste AfD est la seconde force politique, et amener "le même blocage que celui dans lequel se trouve déjà la France".

Un cadeau à McDo

La décision de baisser la TVA de la restauration est aussi critiquée par l'ONG de consommateurs Foodwatch, qui y voit un "cadeau de plusieurs millions à McDonald's et consorts", selon son directeur, Chris Methmann.

"Alors que les cantines scolaires, les crèches et les hôpitaux doivent économiser et que les consommateurs souffrent des prix alimentaires élevés, les fast-foods bénéficient d'un allégement fiscal massif - McDonald's économise à lui seul 140 millions d'euros par an", dénonce-t-il.

Berlin aurait peut-être du mieux scruter l'expérience française en la matière. Très coûteuse pour les finances publiques, la mesure de taux réduit avait été amendée deux ans plus tard par le gouvernement de François Fillon (de 5,5% à 7%) avant d'être à nouveau augmentée à 10%.

Car de nombreuses études ont démontré que la baisse n'avait profité ni aux clients, ni aux salariés du secteur. La dernière en date réalisée par l'Institut des Politiques Publiques (IPP) en 2018 avait conclu que les grands gagnants de cette réforme avaient été les patrons de restaurant, qui avait récupéré 56% des gains de la baisse, donc bien plus que le tiers qui leur était attribué par le gouvernement. Les founisseurs avaient eux récupéré 12%. Les prix au consommateur n'avaient eux baissé que de 1,9%.

"Cette mesure a été l'une des subventions aux entreprises les plus importantes en France", soulignaient alors les chercheurs de l'IPP.

Ce qui ne semble pas avoir refroidi le gouvernement du chancelier Merz. Ces mesures interviennent alors que le gouvernement de coalition entre l'union conservatrice CDU-CSU essuie des critiques sur la soutenabilité des finances publiques. Berlin a brisé un tabou au printemps en lâchant la bride sur le frein constitutionnel à la dette, afin de permettre le vote de programmes d'investissements en centaines de milliards d'euros pour muscler la défense et moderniser les infrastructures du pays.

Frédéric Bianchi (avec AFP)