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Autoroutes: l'Autorité de régulation des transports veut une réforme des concessions

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L'ART plaide pour des contrats plus courts et pour une prise en compte des enjeux écologiques, alors que les concessionnaires n'ont pas souffert de la pandémie, malgré la baisse du traffic.

Du grain à moudre pour les détracteurs des concessions autoroutières. Dans son deuxième rapport sur l'économie générale des concessions, publié ce jeudi, l'Autorité de régulation des transports (ART, ex-Arafer) appuie l'idée d'une refonte au moins partielle des contrats signés entre les pouvoirs publics et les concessionnaires privés, alors que le prix des péages est régulièrement mis en question.

Elle identifie ainsi un levier d'action dans la durée des contrats. Alors que les 19 contrats signés actuellement sont très longs, de plusieurs dizaines d'années, l'ART conseille de les ramener à 20 ans, pour équilibrer un rapport de force aujourd'hui en faveur des professionnels.

Le modèle est caractérisé par des contrats longs, du fait d’investissements initiaux importants, mais aussi de multiples prolongements, ce qui confère une position incontournable aux acteurs en place et engendre des négociations souvent déséquilibrées au profit des concessionnaires", note l'institution.

Encadrer les renégociations

A défaut de rendre les contrats plus courts, l'autorité veut encadrer de façon stricte les renégociations, aujourd'hui "opérées en dehors de toute discipline concurrentielle". Cela passerait par une vérification régulière de la cohérence de ces contrats, pour convenir des aménagements des autoroutes légitimes à mener, de leurs coûts, et de l'ajustement des prix des péages, en conséquence.

Une révision d'autant plus importante que l'autorité relève, pour les contrats futurs, de nouveaux enjeux, liés au contexte macroéconomique incertain, mais aussi au dérèglement climatique:

"Du fait de l’ampleur des émissions de gaz à effet de serre de la route, le secteur autoroutier concédé fera face à d’importants besoins d’investissements d’atténuation et d’adaptation au changement climatique", précise l'ART.

Une rentabilité extrêmement stable

L'ART relève par ailleurs que les exploitants autoroutiers ne souffrent que très peu des conjonctures économiques. Le TRI (taux de rentabilité interne) s’établit à 7,8% pour les concessions historiques et à 6,3% pour les concessions récentes en 2021, soit une baisse de 0,13 point et 0,04 point en cinq ans. La baisse du traffic autoroutier en 2020, par exemple, n'a pas vraiment affecté le taux de rentabilité des infrastructures, du fait de l'extrême longueur des contrats, là encore.

"Compte tenu de la durée des concessions, même des évolutions massives de dépenses et de recettes ne modifient pas substantiellement le TRI, tant qu’elles restent conjoncturelles."

A l'inverse, les réformes fiscales pérennes et générales permettent de modifier considérablement les retours sur investissement des sociétés exploitantes et de leurs investisseurs. L'abaissement du taux de l'impôt sur les sociétés décidé par Emmanuel Macron entre 2018 et 2022 a permis un gain de 7,9 milliards d'euros aux exploitants ; un impact dix fois plus grand que les coûts liés à l'indexation sur l'inflation de la taxe d'aménagement du territoire, décriée par les industriels.

"Décennie décisive"

Le rapport se veut prospectif, en soulignant l'importance des années à venir pour le paysage autoroutier: entre 2031 et 2036, les sept concessions les plus importantes arriveront à terme, laissant une opportunité pour l'Etat et les collectivités de mieux négocier. 90% du réseau, et donc des péages, est concerné par ces arrivées à terme.

Elle relève la nécessité que les contrats s'achèvent dans de bonnes conditions, c'est-à-dire que les investissements soient bien menés comme prévu. Et de se projeter dans de nouveaux modèles de contrats, avec de nouveaux impératifs: inclure les impératifs écologiques, et redécouper le maillage autoroutier, notamment.

Des prix qui auraient dû baisser de 60% en 2022?

Selon Le Canard Enchainé, qui a consulté des documents liés à une mission d'expertise sur le prix des péages autoroutiers, ces derniers auraient dû baisser. Le rapport avait été commandé par Bercy en 2020 et préconisait une baisse de 60% sur les deux-tiers du réseau. En cause, une rentabilité de 12%, alors que les contrats de concessions les plafonnaient à 7,67%. L'Etat a admis auprès de BFMTV que certaines concessions dépassaient ce plafond, mais expliqué que le rapport suit une taxe augmentée sur les autoroutes - l'aménagement du territoire - qui rapporte déjà 1 milliard d'euros.

Valentin Grille