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5G: la loi "anti Huawei" n'entraînera pas d'indemnités pour les opérateurs français

Un autocollant fait la promotion de la 5G dans une boutique Huawei à Pékin, en mai 2020

Un autocollant fait la promotion de la 5G dans une boutique Huawei à Pékin, en mai 2020 - NICOLAS ASFOURI © 2019 AFP

Réclamée depuis plusieurs mois par ses deux principaux clients dans l'Hexagone (Bouygues Telecom et SFR), cette demande a été rejetée par le Conseil constitutionnel.

Si la France ne s'est pas rangée derrière l'appel au boycott des Etats-Unis afin de boycotter totalement les équipements 5G de Huawei, elle a néanmoins adopté des dispositifs législatifs (une loi et un décret) visant à réduire son empreinte et ses possibilités.

Problème, ces dispositifs arrivent des mois après les premiers déploiements 5G en France, notamment chez des opérateurs qui sont des clients traditionnels du géant chinois, à savoir Bouygues Telecom et SFR (propriété du groupe Altice, tout comme BFM Business).

Et donc, depuis des mois, ces opérateurs exigent d'être dédommagés par l'Etat pour les équipements qu'ils devront retirer et remplacer. Bouygues Telecom a ainsi expliqué qu'il allait devoir retirer 3000 antennes Huawei d'ici à 2028 dans les zones très denses en population, et qu'il avait interdiction d'utiliser des antennes Huawei pour la 5G à Strasbourg, Brest, Toulouse et Rennes.

"Intérêts fondamentaux de la Nation"

Le gouvernement a indiqué début septembre qu'il n'était pas prévu "qu'il y ait des indemnisations" versées aux opérateurs "pour les décisions qui ont été prises" au sujet de Huawei, contrairement à d'autres pays. Les deux opérateurs ont alors saisi le Conseil constitutionnel.

Les Sages ont non seulement validé ce qui est appelé la "loi anti-Huawei" car l'Etat a mis en place des "dispositions qui mettent en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation" mais ils ont en plus retoqué fermement toute perspective d'indemnités.

"Le Conseil constitutionnel juge que si la mise en œuvre des dispositions contestées était susceptible d'entraîner des charges pour les opérateurs, liées à la nécessité de remplacer certains anciens équipements afin de les rendre matériellement compatibles avec les appareils dont l'exploitation est subordonnée à l'autorisation contestée, de telles charges résulteraient des seuls choix de matériels et de fournisseurs initialement effectués par les opérateurs, lesquels ne sont pas imputables à l'État", peut-on lire dans son avis.

Au-delà des indemnités, les grands clients de Huawei craignent de prendre du retard face aux concurrents qui sont moins exposés (Orange et Free Mobile) et dans leurs déploiements en général. "Si nous étions (...) dans l'obligation d'utiliser un autre équipementier que Huawei, dans les zones où nous avons des équipements 4G Huawei actuels, nous serions obligés de les démonter et de réinstaller des équipements, ce qui a un effet de coût et de délai", déplorait en février 2010 Martin Bouygues qui évoquait "un déséquilibre de la concurrence".

"Si on nous vend des fréquences (pour plus de 2 milliards d'euros, NDLR) qu'on ne pourrait pas utiliser pour des questions administratives, cela poserait question", a insisté Martin Bouygues. Surtout que "les équipements Huawei déjà déployés l'ont été en parfaite conformité avec tous les règlements et toutes les lois tant européens que français".

Un retard dans les déploiements?

"Si demain, Huawei était amené à être interdit sur tout ou partie du territoire, il faut bien que chacun ait conscience des retards considérables que nous prendrions dans les déploiements. Ça serait un retard considérable pour les territoires, pour les entreprises françaises, pour la transformation numérique. Cela aurait un coût", ajoutait de son côté la Fédération française des télécoms.

Les craintes du président de la FFT sont en tout cas confirmés par une étude de la GSMA, un groupement d’industriels qui regroupe la plupart des opérateurs et des fabricants de mobiles de la planète. Si Huawei est boycotté sur le Vieux continent, les déploiements prendront 18 mois de retard, peut-on lire. "Nous estimons qu'une interdiction pourrait élargir l'écart sur la 5G entre l'Europe et les Etats-Unis de 15 points d'ici à 2025", estiment les auteurs de la note.

Selon eux, un quart de la population européenne serait couverte en 5G en 2025 en cas d'interdiction, contre 40% sans interdiction, alors qu'environ 55% de la population américaine disposera de la 5G à la même date.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business