BFM Business
Economie

2% de taxe quand on accroît sa fortune de 6% par an "ce n'est vraiment pas beaucoup": le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz juge que la France doit faire "seule" la taxe Zucman

Joseph Stiglitz considère que la politique de relocalisations de Donald Trump est vouée à l'échec

Joseph Stiglitz considère que la politique de relocalisations de Donald Trump est vouée à l'échec - Joshua Lott - Getty Images - AFP

Le prix Nobel 2001 d'Économie soutient le projet d'impôt minimal sur les plus grandes fortunes pour réduire les inégalités et financer l'investissement public.

Un soutien de poids pour Gabriel Zucman. À l'occasion d'un colloque organisé par la commission des Finances de l'Assemblée nationale, l'économiste Joseph Stiglitz, prix Nobel d'Économie en 2001, a défendu le projet d'instauration d'un impôt plancher de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros.

"Un impôt plancher de 2% sur des millions et des millions de dollars, ce n’est vraiment pas grand-chose, et il ne s’agira que d’approcher un petit peu d’un système plus équitable", a-t-il déclaré dénonçant "la brutalité et la force" avec laquelle les ultra-riches comme Bernard Arnault s'opposent à cette taxe.

Joseph Stiglitz a par ailleurs assuré que les grandes fortunes s'enrichissaient toujours plus année après année: "On sait que certaines personnes ont un retour sur investissement de bien plus de 6%. La réalité est que d'une manière ou d'une autre, lorsque vous avez une fortune, à moins de vraiment mal gérer votre argent, vous allez gagnez toujours plus d'argent", a-t-il dit, martelant que "si votre richesse vous rapporte 6 à 10% de ce que vous possédez déjà, être imposé à hauteur de 2% ce n'est vraiment pas beaucoup".

Les milliardaires veulent "gagner à ce jeu du Monopoly"

L'économiste juge la taxe Zucman "nécessaire pour nos démocraties parce que lorsqu'il y a une telle inégalité de fortunes, ceux qui sont en haut de la société ont beaucoup trop d'influence". Il donne en exemple l'investiture de Donald Trump au Capitole où il n'y avait "que des oligarques. Voilà ce qu'il se passe lorsqu'on autorise les super-riches à accumuler autant de richesse et autant de pouvoir".

Au-delà de la réduction des inégalités, la taxe Zucman doit permettre "de financer notre économie" en allant "chercher l'argent là où il est", a poursuivi Joseph Stiglitz. "Une économie productive nécessite des investissements publics, dans les infrastructures, l’éducation, la technologique. Si je parle des États-Unis, voici ce qui se passe: notre avantage compétitif s’est toujours basé sur la technologie et les investissements les plus importants en technologie ont été financés par les gouvernements".

À la question de savoir si la taxe Zucman découragerait l'entrepreneuriat, Joseph Stiglitz répond non: "Je connais de nombreux milliardaires et la plupart d’entre eux travaillent bien sûr très dur et travailleraient aussi dur et seraient aussi ambitieux si on les imposait plus", affirme-t-il.

D'après lui, ce n'est pas la "somme d'argent" en elle-même "qui les motive". "Ce qu'ils veulent c'est pouvoir être les plus riches, c'est gagner à ce jeu du Monopoly. Ils aiment avoir cette domination sur le marché, sur leurs concurrents. C'est cela qui les rend enthousiastes, qui leur donne envie d'entreprendre et je ne crois pas que cette attitude changera avec une plus forte imposition".

"Effet de leadership"

Le prix Nobel 2001 s'oppose également à l'exclusion des biens professionnels de la taxe Zucman malgré les déclarations de dirigeants, dont la fortune provient essentiellement d'actifs professionnels illiquides, qui assurent ne pas pouvoir payer cet impôt:

"Il n'y a aucune preuve pour appuyer cette idée. Si vous avez des centaines de millions ou un milliard de dollar à votre disposition, vous pouvez convertir une partie de cette richesse en liquide. Vous pouvez tout à fait vous débarrasser de vos biens pour payer 2% d’impôt", a-t-il souligné.

Et de conclure en appelant la France à mettre en place cette taxe "seule", sans attendre un accord international: "Je pense que ceci aura un effet de leadership vis à vis des autres pays, je ne pense pas que vous deviez attendre que les autres pays se mettent en ligne avec vous".

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco