"142.000 emplois perdus et 0,2% de PIB en moins": les droits de douane, baguette magique ou balle dans le pied des États-Unis?

Des drapeaux américains flottent devant un concessionnaire automobile à Alhambra, en Californie, le 27 mars 2025. - AFP
Soutiens à l'industrie locale pour les uns, stimulateurs de l'inflation et contraires aux principes mêmes de l'économie libérale pour les autres, les droits de douane sont revenus sur le devant de la scène avec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche.
Arme économique majeure pour le président américain, ces taxes sur les importations suscitent énormément de commentaires mais aussi des craintes quant à leur impact sur l'économie américaine et le commerce mondial.
Outil historiquement mis à la disposition des Etats pour défendre le développement de leur économie, les droits de douane sont aussi considérés par la majorité des économistes comme un frein à la croissance et à l'innovation, en limitant la concurrence et créant des marchés protégés.
Hausses de prix compensées par les gains de salaires
Un avis que ne partage pas l'un de leurs principaux défenseurs, l'ancien représentant de la Maison Blanche au Commerce (USTR), Robert Lighthizer, qui a occupé le poste durant le premier mandat de Donald Trump, après avoir été l'adjoint de l'USTR sous Ronald Reagan. Il est considéré comme le théoricien de la politique commerciale du président américain.
Dans son ouvrage No Trade is Free ("Aucun échange n'est libre", non traduit), Robert Lighthizer justifie le recours aux droits de douane pour protéger l'industrie américaine et les emplois associés.
Il estime qu'une industrie puissante est une condition essentielle à l'innovation, à la production de richesses et au maintien d'emplois offrant une rémunération plus élevée pour les personnes non diplômées que ne le permet le secteur des services.
Pour lui, les hausses de prix potentielles sont largement compensées par les gains en salaires. L'actuel ministre des Finances, Scott Bessent, déclarait d'ailleurs début mars que "pouvoir acheter des produits à bas prix n'est pas l'essence du rêve américain".
Impact négatif sur les prix
L'efficacité des droits de douane dépend en réalité des objectifs politiques qui leur sont assignés. En la matière, ceux du président Trump ont varié jusqu'ici: source de financement pour l'Etat fédéral, mesure protectionniste pour certains secteurs, rééquilibrage de la balance commerciale, sécurité nationale ou moyen de pression diplomatique pour obtenir des avancées dans des domaines non-économiques.
De nombreux experts soulignent que la forme compte aussi: une mise en place progressive limite les effets négatifs alors qu'à l'inverse une approche désordonnée risque de les renforcer.
De manière générale, l'impact sur les prix est le principal effet négatif envisagé: quand bien même elles décideraient de rogner leurs marges pour en atténuer les effets, les entreprises risquent, dans la majorité des cas, de faire subir la hausse provoquée par ces taxes aux consommateurs.
La semaine dernière, un responsable de la Réserve fédérale (Fed), Alberto Musalem, a estimé qu'une augmentation moyenne des droits de douane américains de 10% pourrait gonfler l'indice d'inflation PCE de 1,2 point de pourcentage. Le PCE est l'indicateur privilégié par la Fed pour déterminer sa politique monétaire. Il était de 2,5% sur un an en janvier.
"Emplois perdus"
En 2018, durant le premier mandat de Donald Trump, le directeur du George W. Bush Institute, Matthew Rooney, avait battu en brèche les arguments de Robert Lighthizer, jugeant que les droits de douane entraînaient, en plus d'une hausse des prix, un risque pour l'emploi et l'innovation.
"La production devient moins rentable, les entreprises sont moins incitées à innover et la capacité de l'industrie à faire face à la concurrence internationale s'en ressentira. La conséquence est une pression à la baisse sur les salaires et, au final des emplois perdus", affirmait-il alors.
Au-delà des arguments théoriques, restent les constats tirés notamment de la première guerre commerciale lancée par Donald Trump durant son précédent mandat.
Selon la Tax Foundation, les droits de douane imposés alors, de bien moindre ampleur, ont coûté 0,2 point de pourcentage de PIB sur le long terme et entraîné une perte de 142.000 emplois en équivalent temps plein, sans pour autant améliorer les salaires.
Autre conséquence relevée: une baisse des importations des produits visés, se traduisant par moins de droits de douane perçus et donc moins de recettes pour le gouvernement fédéral.
