0,9% en mars: la France a de loin le taux d'inflation le plus bas de toute l'Europe, est-ce vraiment une bonne nouvelle?

C’est un chiffre qui surprend autant qu’il interroge : en mars 2025, la France affiche l’inflation la plus basse de toute la zone euro, avec seulement 0,9% sur un an, selon Eurostat. À titre de comparaison, la moyenne européenne est à 2,2%, tirée parle haut par des pays comme l’Allemagne (2,3%) ou la Slovaquie (3,5%). Seuls le Danemark (1,4 %) et le Luxembourg (1,5 %) s’en approchent.
Une désinflation rapide avec un indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) qui était encore à 2,4% un an plus tôt, faisant figure d’exception en Europe. Mais derrière le chiffre flatteur, ce ralentissement est-il le signe d’une maîtrise des prix… ou d’un essoufflement de l’activité ?
L'énergie en forte baisse
La première cause de cette désinflation rapide : la baisse des prix de l’énergie.
En mars 2025, ils reculent de 6,6% sur un an, selon l'Insee. Ce mouvement, lié à la réduction des tarifs réglementés de l’électricité intervenue un mois plus tôt, a pesé lourd dans l’indice des prix, l’énergie représentant une part significative de la consommation des ménages. Cette mesure administrative, très ciblée, a donc eu un effet direct et rapide sur l’inflation globale.
Autre point déterminant : une évolution modérée des prix dans plusieurs secteurs clés. Les produits manufacturés, par exemple, ont enregistré une baisse de 0,2% sur un an, après une stabilité observée en février. Une tendance qui s’explique par une demande plutôt stable, mais aussi par une concurrence forte, qui limite la possibilité pour les entreprises d’augmenter leurs prix.
Du côté des services, les prix sont restés quasi stables avec une légère augmentation de 2,3%. Un rythme indiquant que malgré une légère hausse, la hausse des prix reste contenue sur l’année. Côté alimentaire, les prix sur un an n'ont augmenté que de 0,6% en mars selon l'Insee.
Seule exception notable : les produits alimentaires frais, dont les prix repartent à la hausse (+5,5 % pour les légumes, +3,4 % pour les fruits), tirés par des conditions climatiques défavorables et des coûts de production en hausse. Mais cette poussée reste isolée et n’inverse pas la tendance générale à la baisse.
La France plus concurrentielle
Au global la France, avec un taux d'inflation qui devrait à peine atteindre 1% en 2025 est largement en deçà de la cible que s'est fixée la Banque centrale européenne d'atteindre 2% dans la zone euro.
"La France est en tête dans presque toutes les composantes : l’alimentaire, l’énergie, les services et même l’indice hors énergie. Cela s’explique en grande partie par la structure de ces marchés énergétique et alimentaire", souligne Éric Dor, responsable des études économiques à l’IESEG .
Autrement dit, si la France affiche aujourd’hui le taux d’inflation le plus bas de la zone euro c'est parce que les marchés comme ceux de l'alimentaire par exemple sont plus concurrentiels que chez la plupart de nos voisins. Ainsi, quand la hausse des prix de l'alimentation atteignait encore 3% en mars sur un an en Allemagne selon Destatis, en France elle était cinq fois plus faible.
"Pour moi, ce n’est donc pas synonyme d’activité économique faible", insiste Eric Dor. De quoi tempérer les inquiétudes sur une éventuelle stagnation.
Le spectre de la déflation
Mais la prudence reste de mise. La baisse trop rapide de l'inflation voire des prix peut avoir des effets néfastes.
"L’attente de prix plus bas à l’avenir retarde les dépenses d’aujourd’hui", rappelle Yingrui Wang, économiste chez Axa dans Forbes.
La consommation reste d'ailleurs en berne dans le pays avec les conséquences négatives sur les carnets de commandes et les investissements des entreprises.
Plane alors une menace encore plus grande que l'inflation qui est celle de la déflation. C'est ce qu'a connu la Chine ces dernières années avec des entreprises obligées de brader les produits invendus, détruisant ainsi de la valeur, entamant leur rentabilité et générant du chômage.
Pour autant ce scénario n'est pas vraiment envisagé pour la France.
L'économiste Éric Dor alerte sur un risque plus aigu selon lui: celui de la guerre commerciale lancée par Donald Trump.
Car si l’inflation est aujourd’hui sous contrôle, l’environnement économique, lui, reste instable. Comme l’a rappelé ce jeudi Christine Lagarde, présidente de la BCE : "il y aura possiblement un impact négatif des droits de douane sur la croissance économique".