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États-Unis, Pologne, Corée du Sud et bientôt France? Comment les cryptomonnaies sont devenues un enjeu électoral mondial

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Les élections présidentielles en Pologne et en Corée-du-Sud ont vu émerger deux nouveaux présidents pro-crypto. Une thématique qui semble aujourd'hui au coeur de toutes les campagnes présidentielles.

Alors que les cryptomonnaies s’imposent dans l’économie réelle, il est finalement assez logiquement qu'elles entrent désormais dans l’arène politique. De l’Europe centrale à l’Asie, en passant par les États-Unis, les actifs numériques ne sont plus cantonnés aux milieux technophiles: ils deviennent un levier électoral décisif.

Plusieurs campagnes présidentielles ces deux dernières années ont mis en lumière cette mutation. Candidats de droite comme de gauche courtisent désormais les électeurs crypto-compatibles, en promettant allégements fiscaux, dérégulation ou intégration des actifs numériques dans les politiques économiques. Les dernières campagnes des élections présidentielles en Pologne et en Corée du Sud ont confirmé cette tendance.

Corée du Sud: la crypto comme consensus politique dans un pays ultra-connecté

En Corée du Sud, l’élection présidentielle anticipée du 3 juin s'est déroulée dans un climat de tension institutionnelle, mais un sujet a fait consensus: la crypto. Le candidat du Parti démocrate Lee Jae-myung (centre-gauche) est donné très largement vainqueur de l'élection présidentielle, selon un sondage sortie des urnes à la clôture de ce scrutin à un seul tour.

Une campagne dans laquelle les deux candidats –le libéral Lee Jae-myung comme le conservateur Kim Moon-soo– affichaient une volonté d’assouplir la réglementation, de légaliser les ETF cryptos et d’ouvrir la porte aux investissements institutionnels. Le débat inclut même la possibilité pour le fonds de pension public d’allouer une partie de ses réserves en actifs numériques.

Cet alignement politique n’est pas opportuniste: il répond à une implantation réelle. Près de 16,3 millions de Sud-coréens détiennent un compte sur les grandes plateformes locales, soit environ un tiers de la population. Le phénomène du "Kimchi Premium", cet écart de prix entre les plateformes coréennes et les marchés internationaux, illustre cette demande structurelle.

En parallèle, l’usage des cryptos s’institutionnalise: des tests pilotes sont en cours pour autoriser 3.500 entreprises à intégrer les paiements en crypto d’ici fin 2025. Dans ce pays ultra-connecté, les cryptomonnaies ne sont plus un gadget technologique, elles semblent devenir une composante essentielle de l’économie et un enjeu électoral central.

Pologne: un président pro-Trump et pro-bitcoin, un opportunisme électoral assumé

L’élection présidentielle polonaise de ce dimanche a vu l’émergence inattendue de Karol Nawrocki, historien nationaliste, comme figure pro-bitcoin. Longtemps discret sur les sujets économiques, il a viré franchement pro-crypto dans les derniers mois de la campagne, promettant une fiscalité allégée sur les plus-values en cryptoactifs et un soutien à l’innovation blockchain.

Ce positionnement opportuniste, adossé à un électorat jeune, a été renforcé par un autre élément stratégique: son alignement assumé avec Donald Trump, dont il a publiquement revendiqué le soutien. Cette proximité avec le président américain (également très favorable aux cryptomonnaies ) a permis à Nawrocki de surfer sur une dynamique transatlantique, alliant souverainisme économique et innovation technologique.

En face, au premier tour, son adversaire Sławomir Mentzen, figure libertarienne du Konfederacja, prônait une politique encore plus audacieuse: exonération fiscale totale sur le bitcoin et intégration de la reine des cryptos dans les réserves de la banque centrale. La victoire de Nawrocki, dans ce contexte, révèle moins une adhésion idéologique à la crypto qu’un usage électoral bien calibré d’un thème devenu central pour une frange montante de l’électorat polonais.

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États-Unis: le revirement pro-crypto de Trump catalyseur de cette tendance ?

Aux États-Unis, les cryptomonnaies ont connu un basculement politique spectaculaire avec la conversion progressive —et calculée— de Donald Trump au camp pro-crypto. Longtemps méfiant, voire hostile aux actifs numériques (il les qualifiait en 2019 de "dangereux"), l’ancien président a opéré un virage net à l’approche de la présidentielle 2024.

Dès l’été, il commence à accepter les dons en bitcoin, ethereum et dogecoin via une plateforme dédiée, et promet de "protéger le droit des Américains à posséder leur propre argent numérique". Ce repositionnement lui permet de capter un soutien massif du secteur, qui voit en lui un contrepoids à la SEC, jugée trop répressive sous Joe Biden. Promesses tenues par Donald Trump qui, une fois élu, a créé une réserve stratégique de bitcoin et assoupli les régulations sur les cryptomonnaies, facilitant l'innovation et limitant les actions coercitives contre les entreprises du secteur.

En France, un débat encore timide

En France, les cryptomonnaies restent encore périphériques dans le débat politique traditionnel, mais des signaux émergent, notamment à l’extrême droite. Marine Le Pen a récemment surpris en déclarant qu’elle voyait dans le minage de bitcoin "une opportunité de souveraineté énergétique et monétaire", appelant à relocaliser cette activité en France dans des zones rurales sous-exploitées.

Éric Zemmour, de son côté, avait tenté dès 2022 de surfer sur la vague crypto, en tentant d'amener le sujet dans le débat. Un memecoin à son effigie —le $ZEM— a même été lancé par sa communauté. Un flirt avec les codes de la culture Web3 qui semblait refléter une volonté de capter un électorat jeune et anti-système.

En France, la majorité actuelle soutient une ligne européenne pilotée par la réglementation MiCA. Mais cette approche reste défensive, sans positionnement économique concret dans le secteur. Dans les faits, la dynamique vient des utilisateurs et entrepreneurs: selon une étude Deloitte–Adan, 10% des Français détenaient des cryptos fin 2024 (un chiffre en baisse par rapport à l'année précédente) et 34% envisageaient d’en acquérir.

En somme, si les partis dominants tardent à faire de la crypto un thème politique à part entière, l’extrême droite, elle, l’a déjà investi comme symbole de souveraineté face au système financier établi.

William Helle