Orques, dauphins... Quel avenir pour les cétacés de Marineland après la fermeture du parc?

Ce qui semble être une bonne nouvelle pour les défenseurs des deux orques de Marineland n'en est pas réellement une. Le parc antibois a annoncé mercredi 4 décembre envisager une "fermeture définitive" le 5 janvier 2025, mettant en avant des raisons économiques liées à la promulgation de la loi interdisant les spectacles de cétacés en 2026.
"Alors que 90% des visiteurs choisissent de venir à Marineland pour admirer les représentations d’orques et de dauphins, la loi du 30 novembre 2021, interdisant les spectacles de cétacés, impose à Marineland d’envisager cette fermeture", a annoncé le parc dans un communiqué.
Cette même loi limite également la possibilité de détenir des cétacés en captivité. L'avenir des deux orques du parc, Wikie et Keijo, est donc au cœur des préoccupations au lendemain de l'annonce du parc.
"On pourrait dire que c'est une victoire, mais c'est surtout beaucoup de colère de notre part, parce que ce n'est pas la fin de la captivité pour tous les animaux qui sont là, à Marineland", dénonce Muriel Arnal, présidente de l'association One Voice, au micro de BFM Nice Côte d'Azur.
Le transfert au Japon en suspend
D'autant que la cour d'appel d'Aix-en-Provence doit rendre une décision ce jeudi 5 décembre sur le potentiel transfert des orques, Marineland ayant formulé en novembre une demande de transfert des orques vers le parc de Kobe, au Japon.
Le gouvernement français s'était lui-même opposé à ce transfert, la ministre démissionnaire de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher ayant expliqué qu'au Japon, "il n'y a pas de réglementation aussi poussée sur le bien-être animal".
La ministre avait souligné que d'autres parcs respectaient "la réglementation européenne" et pouvaient constituer une solution d'accueil pour les orques, comme le parc de Tenerife, dans l'archipel espagnol des Canaries.
L'association One Voice questionne aujourd'hui le timing de l'annonce du parc, à la veille d'une décision de justice sur l'avenir des orques. D'autant que la fermeture de Marineland n'est, selon le collectif, pas une surprise.
"On savait que Marineland allait fermer. Pourquoi laisser les choses traîner? Pour les vendre au plus offrant derrière à une vie de captivité. Et c'est l'ensemble des animaux qui sont concernés", déplore Muriel Arnal. Car les orques ne sont pas les seuls cétacés du parc dont l'avenir est en jeu: des dauphins sont également présents et devront être pris en charge après la fermeture de Marineland.
Une loi moins stricte qu'il n'y paraît
Dans son communiqué, le parc assure être en lien "avec les autorités compétentes pour identifier les meilleures solutions" d'accueil pour les cétacés, "dans des structures équivalentes en termes de qualité de soins et de projet pédagogiques avec comme seule priorité le bien-être des animaux".
Une annonce qualifiée de "vaste plaisanterie" par l'association One Voice, qui accuse le parc de chercher à disperser les animaux "dans d'autres prisons". D'autant que la loi sur l'interdiction des spectacles de cétacés mentionnée par le parc comme principale raison de sa fermeture n'est pas aussi stricte qu'il y paraît sur la détention de cétacés.
"La loi de 2021 interdit la détention de cétacés captifs d'ici 2026, mais elle prévoit deux exceptions: la détention à des fins scientifiques ou la détention dans un refuge marin (communément appelé sanctuaire). Planète Sauvage, qui est l'un des deux derniers parcs en France à détenir des dauphins en captivité, a choisi de miser sur la recherche scientifique et compte donc garder ses dauphins au-delà de 2026, et même les faire reproduire", explique l'association C'est Assez! sur ses réseaux sociaux.
Ce même collectif avait d'ailleurs déposé un recours auprès du Conseil d'État, auquel elle avait demandé d'interdire les transferts de cétacés à but commercial. La décision est attendue pour le 9 décembre.
Car la solution d'un sanctuaire est celle pour laquelle les associations se battent depuis désormais plusieurs années, et encore plus compte tenu de l'état de santé des orques de Marineland.
"Nous sommes très inquiets. Wikie et Keijo sont malades, nous l’avions dit. Deux autres membres de leur famille sont morts ces derniers mois. Il faut qu’ils soient soignés, il ne faut pas qu’ils soient envoyés dans un autre delphinarium, ce n’est pas l’esprit de la loi", souligne One Voice.
Vers un transfert dans un sanctuaire?
Cet été, plus d'une centaine de personnes avaient répondu à l'appel de 220 associations françaises et étrangères et avaient manifesté devant Marineland pour demander le transfert des orques dans un sanctuaire.
L'ONG Sea Sheperd avait même proposé la création d'un sanctuaire au large de Brest, un projet qui semble toutefois "difficile à réaliser", avait expliqué l'ex-députée européenne écologiste Caroline Roose. Le maire d'Antibes, Jean Leonetti, a lui-même rappelé ce mercredi que "depuis 2020, l’État a été dans l’incapacité de mener à bien la création d’un sanctuaire marin, projet qui a été d’ailleurs peu réaliste sur le plan financier et logistique".
Mais de nombreuses associations plaident pour un transfert des orques vers un sanctuaire de la vie marine au Canada. En septembre, un rapport de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable établissait que les deux orques devraient être envoyées dans un sanctuaire en Nouvelle-Écosse.
De son côté, One Voice rappelle que Marineland a "d'emblée écarté tout sanctuaire, car il s'agirait selon eux d'une victoire des associations". Un choix qui pourrait toutefois être retiré des mains du parc en fonction de la décision du Conseil d'État sur le recours déposé par C'est Assez!.
"Si le Conseil d'État se prononce pour un maintien des cétacés captifs dans leurs bassins en attendant une solution de sanctuaire, alors le Marineland n'aura pas d'autres choix que de se plier à cette décision. Les orques pourraient rester à Marineland. Quant aux dauphins, nous pouvons toujours en envoyer environ quatre dans le sanctuaire de Tarente en Italie qui n'attend que cela", précise l'association.
Une décision "politique" sur l'avenir des cétacés
Le maire d'Antibes déplore quant à lui une fermeture du parc qui est une "mauvaise nouvelle" pour le territoire de sa commune. Il renvoie l'État face à sa responsabilité concernant l'avenir des orques.
"Il place donc aujourd’hui les cétacés du parc dans une situation contraire à l’objectif originel de celle du bien-être animal", dénonce Jean Leonetti. Il affirme toutefois qu'il compte rester vigilant "quant à l’avenir des animaux, qui ne doivent pas devenir les victimes collatérales de décisions politiques insuffisamment anticipées."
De leurs côtés, les associations rappellent que l'avenir des orques, et plus largement des cétacés du parc, est bel et bien une décision à enjeu politique.
"Certes, les cétacés captifs sont la propriété de Marineland et, s'ils le souhaitent, ils peuvent expédier leurs cétacés aux quatre coins du monde dans d'autres bassins, mais c'est bien le gouvernement qui valide ou non les permis d'exportation. Donc, maintenir les cétacés sur place ou les envoyer ailleurs, est une décision politique", conclut l'association C'est Assez!
Cette dernière avait d'ailleurs lancé une pétition à l'attention de la ministre de la Transition écologique pour "sauver les dauphins de Marineland", un document qui a recueilli plus de 27.000 signatures.