BFM Côte d'Azur
Cote dAzur

Échecs aux législatives, conseiller régional... Comment Jean-Marie Le Pen a cherché à s’implanter en Provence-Alpes-Côte d'Azur

placeholder video
Mort ce jeudi 7 janvier, Jean-Marie Le Pen a mené une carrière politique nationale qui s'est étendue sur plus d'un demi-siècle. Au cours des années 1980, l'ancien président du FN a amorcé une implantation dans la région Sud, dont bénéficie aujourd'hui ses successeurs.

Jean-Marie Le Pen, figure de l'extrême droite française et ancien président du Front National, est mort à Garches ce jeudi 7 janvier à l'âge de 96 ans.

Élu député pour la première fois en 1956 à la proportionnelle, alors que la 4e République était encore en vigueur en France, Jean-Marie Le Pen a débuté sa carrière politique à Paris. Mais dès la fin des années 1980, alors qu'il multiplie les propos outranciers et les condamnations judiciaires, l'ancien leader d'extrême droite tente d'implanter son parti en Provence-Alpes-Côte-d'Azur.

Un choix dicté en partie par des scores électoraux favorables: lors de l'élection présidentielle de 1988, Jean-Marie Le Pen termine en deuxième position dans la région.

• Une première incursion aux législatives de 1988

Dès les élections législatives du mois de juin, il se présente dans la 8e circonscription des Bouches-du-Rhône, qui regroupe alors les 11e, 12e et 13e arrondissements de Marseille. Mais le scrutin à deux tours, de nouveau en vigueur en 1988, empêche le président du Front National d'entrer à l'Assemblée nationale. Il est battu par le socialiste Michel Masse, récoltant seulement 43,57% des suffrages exprimés.

La tentative d'implantation locale de Jean-Marie Le Pen n'est cependant pas vaine. À travers des alliances d'entre-deux tours avec les partis de droite du RPR et l'UDF, le Front National prend le rôle du "faiseur de roi". Le FN retire ainsi des candidats dans la région pour faire élire des personnalités de l'UDF ou du RPR.

En échange, le parti d'extrême droite profite également du désistement de certains candidats de droite arrivés troisièmes au 1er tour. Cette stratégie permet notamment à Yann Piat d'être réélue dans le Var. Elle sera la seule députée FN à siéger à l'Assemblée, mais quittera finalement le parti quelques mois plus tard.

• Candidat aux régionales et élu à la région

Le rapprochement du FN avec l'UDF et le RPR avait connu ses prémices lors des élections régionales de 1986, lors desquelles le parti avait terminé 3e. Les conseillers régionaux FN avaient reporté leurs voix sur Jean-Claude Gaudin, lui permettant d'être élu à la tête de la région face au socialiste Michel Pezet.

Six ans plus tard en 1992, Jean-Marie Le Pen se présente lui-même en tant que tête de liste lors des élections régionales suivantes. Sur l'une de ses affiches de campagne, il pose avec sa petite fille Marion Maréchal, actuelle députée européenne et âgée de deux ans à l'époque.

Jean-Marie Le Pen, devant une affiche de campagne où il pose avec sa petite-fille Marion Maréchal, en 1992.
Jean-Marie Le Pen, devant une affiche de campagne où il pose avec sa petite-fille Marion Maréchal, en 1992. © JOEL SAGET / AFP

S'il améliore sensiblement le score du parti (23,44%, 34 conseillers élus) et devient conseiller régional, il échoue à prendre la région, terminant deuxième à 100.000 voix de Jean-Claude Gaudin.

Jean-Marie Le Pen sera par la suite réélu conseiller régional en 1998, mais il démissionne de son mandat en 2000. En 2010, de nouveau candidat aux élections régionales, le Morbihannais parvient à se qualifier au second tour mais termine 3e, loin derrière le PS et l'UMP.

• Nouvelle tentative aux législatives dans les Alpes-Maritimes

En 1993, Jean-Marie Le Pen se présente à nouveau dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur afin d'être élu député, dans les Alpes-Maritimes cette fois-ci.

Mais la finalité est la même que cinq ans auparavant: le candidat du FN est largement battu au 2nd tour, par Rudy Salles (UDF). Il ne sera plus candidat à une élection législative par la suite.

Les résultats de l'élection présidentielle de 1995 confortent le père de Marine Le Pen dans sa stratégie. Ce dernier poursuit sa progression au niveau national, en cumulant 15% des votes exprimés. D'un point de vue local, il termine en 1ère position dans le Var, les Bouches-du-Rhône et le Vaucluse notamment.

Quelques mois plus tard, les élections municipales confirment le développement régional du parti. Jean-Marie Le Chevallier, Daniel Simonpieri et Jacques Bompard, tous soutenus par le FN, sont élus maires de Toulon, Marignane et Orange.

Lorsque Jacques Chirac dissout l'Assemblée nationale et convoque de nouvelles élections législatives en 1997, Jean-Marie Le Chevallier est également élu député du Var.

Malgré plusieurs bons scores réalisés au 1er tour dans la région, le FN continue de se heurter à son plafond de verre. Aucun autre candidat du parti ne sera élu cette année-là.

• Député européen du Sud-Est

En 2004, lors des élections européennes, organisées par circonscriptions interrégionales à l'époque, il prend la tête de la liste locale du FN et termine troisième avec 12,18% dans le Sud-Est, où le parti obtient deux sièges au Parlement européen.

Le président du FN poursuit ainsi son mandat de député européen. Il sera réélu en 2009, malgré un score en fort recul, puis en 2014, en terminant 1er dans le Sud-Est.

En Provence-Alpes-Côte-d'Azur, la stratégie d'implantation de Jean-Marie Le Pen aura davantage profité à ses successeurs qu'à lui-même. L'ancien militaire a terminé son dernier mandat local (député européen) en 2019. Depuis, son parti, renommé Rassemblement National par sa fille, est régulièrement plébiscité lors des élections dans la région Sud.

• 40 ans plus tard, une domination dans le Sud

En juin 2012, Marion Maréchal, petite-fille de Jean-Marie Le Pen, devient la plus jeune députée de l'Assemblée Nationale après avoir été élue dans le Vaucluse. Elle est alors la seule candidate du parti, avec Gilbert Collard, à siéger dans l'hémicycle.

Cette dernière ne se représente pas en 2017 et aucun candidat RN ne parviendra à remettre en cause la domination de La République en Marche et des Républicains dans la région Sud cette année-là. Mais cet échec est passager. Des les élections législatives de 2022, le parti reprend le fil de sa progression locale: 21 députés RN sont élus en Provence-Alpes-Côte-d'Azur sur les 90 qui siègent à l'Assemblée au total.

La stratégie de dédiabolisation mise en place par Marine Le Pen, successeure de son père, conjuguée à l'émiettement progressif du barrage républicain, permet au RN de briser le plafond de verre auquel se heurtait Jean-Marie Le Pen.

Les dernières élections législatives, organisées à la suite de la dissolution de l'Assemblée Nationale l'été dernier, a confirmé l'hégémonie progressive du RN dans la région Sud.

Sept députés sur huit dans le Var, quatre sur cinq dans le Vaucluse, onze sur seize dans les Bouches-du-Rhône, six sur neuf dans les Alpes-Maritimes et deux sur quatre dans les Alpes du Sud... En 2024, le RN s'est imposé comme le premier parti politique de la région Sud.

Alors que Fréjus est actuellement la seule grande ville régionale dirigée par un maire RN (David Rachline), le parti d'extrême droite nourrit de grandes ambitions pour les prochaines élections municipales l'année prochaine, notamment à Toulon et à Nice.

L'échéance électorale locale suivante, les élections régionales, auront lieu en 2028. Quatre décennies après la première candidature de Jean-Marie Le Pen en Provence-Alpes-Côte-d'Azur.

Mathias Fleury