Agressions sexuelles, maltraitances… Le service pyschiatrique de La Fontonne, à Antibes, cible de lourdes accusations

Le 22 juillet, sur Facebook, l'influenceuse Émilie Amar faisait état des "horreurs" qu'elle avait "pu voir" au sein du service psychiatrique de l'hôpital La Fontonne, à Juan-les-Pins. Elle évoquait également "des atrocités" que lui auraient confié d'anciens patients.
Souffrant de dépression, elle avait été hospitalisée pour une semaine, mais son séjour s’est terminé au bout de trois jours. Une durée suffisante pour être profondément marquée par ce à quoi elle a assisté, comme elle l'explique à BFM Nice Côte d'Azur.
"Les patients ne pouvaient rien faire, ni à table, ni en dehors des heures où on est censés pouvoir parler, communiquer (...). On pouvait pas discuter et on entendait les soignants rigoler, se moquer des patients", confie-t-elle.
Émilie, qui dit avoir également assisté à des violences physiques, a recueilli une cinquantaine de témoignages d'autres patients, dont un qu'elle lit au micro de BFM Nice Côte d'Azur: "Ils me balancent des bouteilles pour me réveiller (...). On m'a balancé et poussé la tête la première, je suis tombé à même le sol".
Un patient accuse un soignant de viol
Le service psychiatrique de l'hôpital accueille des patients souffrant de troubles psychologiques comme la dépression ou les addictions, mais aussi des pathologies psychiatriques beaucoup plus lourdes.
Un homme, hospitalisé sous contrainte, assure de son côté avoir été victime de viol de la part d'un aide-soignant et livre un témoignage glaçant.
"Il est rentré dans ma chambre, il a commencé à me doigter. Il m'a dit 'tais-toi, tu aimes ça'. Quand je lui ai dit 's'il te plaît, arrête', j'étais tétanisé... Il a baissé son pantalon et il m'a pénétré", rapporte-t-il.
Aujourd’hui sorti de l’hôpital, il reste profondément traumatisé. Il n’ose pas porter plainte, de peur d’être réinterné, mais a tenu à témoigner pour éviter que ces faits ne se reproduisent.
Contactée par BFM Nice Côte d'Azur, la direction de l’hôpital affirme n’avoir eu connaissance d’aucune agression sexuelle. Dorianne, une autre patiente, évoque également une agression sexuelle, commise cette fois par un patient, alors qu'elle était "perchée" après avoir pris des médicaments.
"Il y a un monsieur qui est entré dans la chambre (...). Le lendemain, il m'a dit 'tu te rappelles de ce qu'on a fait?", témoigne-t-elle. Là encore, l'hôpital se défend en assurant faire de la sécurité des patients "une priorité absolue", et déclare que les chambres sont "verrouillables de l'intérieur".
La direction se défend
Au sein de l'établissement, le mélange entre patients atteint de différentes pathologies, plus ou moins graves, peut aussi poser problème. Une femme revient ainsi sur les conditions dans lesquelles son père, bipolaire, a été hospitalisé. Ce dernier s’est suicidé quelques semaines après sa sortie de l’hôpital.
"Tout le monde est mélangé. Il me suppliait 's'il te plaît, viens me chercher, je peux plus rester la'. Des gens venaient le toucher pendant qu'il dormait, lui crachait dessus pendant qu'il mangeait... C'est un truc d'animaux" déplore-t-elle.
Elle associe le décès de son père, ancien toxicomane, à l’insuffisance de l’accompagnement médical lors de son séjour, mais aussi à sa sortie. De plus, selon elle, son père avait facilement accès à des substances illicites sur place.
"Comment pouvez-vous expliquer qu'un dealeur livre des patients (...)? Des gens se retrouvent en plein milieu de ce service avec un dealeur, les gens consommaient de la drogue dans le service", assure-t-elle. L'hôpital met en avant des "mesures de contrôle et de vigilance" pour éviter ce genre d'incident.
D'autres témoignages font aussi état d’actes de maltraitances, avec notamment des patients restés plusieurs heures à terre, ou encore dans leurs excréments sans qu’on leur vienne en aide.
"Tout comportement inapproprié ou signalé comme tel fait l'objet d'une analyse immédiate. L'établissement applique une politique de tolérance zéro", a réagi la direction de l'hôpital.
Un rapport accablant en 2023
Des décès troublants succédant à des hospitalisations à La Fontonne sont aussi rapportés par des internautes. L'un d'entre eux évoque le cas de sa sœur, bipolaire, décédée des suites d’une crise cardiaque trois jours après son hospitalisation.
Agée d’une quarantaine d’année, elle n’avait pas d’antécédents cardiaques. Son frère dénonce un manque de communication de la part de l’établissement et évoque la possibilité d’une surcharge de médicaments. Une accusation de nouveau réfutée par la direction qui assure que les traitements sont prescrits par un médecin "en concertation avec l'équipe soignante".
Élina a perdu son père, dépressif, lorsqu'elle avait 15 ans, alors que celui-ci était hospitalisé à la Fontonne. "On est parti le voir, il marchait pas droit. Il a fait des examens qui lui ont été refusés", se rappelle-t-elle.
Un soignant aurait alors contacté sa mère pour lui dire que "du sang sortait de ses oreilles". Le patient est pris en charge mais se trouve "déjà en état de mort cérébrale, c'était trop tard", déplore-t-elle. L'établissement assure ne pas avoir "connaissance de décès liés à une absence de prise en charge physique".
En 2023, le contrôleur général des lieux de privation de liberté avec publié un rapport alarmant sur le service psychiatrique, agrémenté de 24 recommandations. Celui-ci évoquait notamment des "locaux dégradés" et des "conditions d'isolement jugées inhumaines".
À la suite de ce rapport, un syndicat d’avocats a saisi la justice en référé l’année dernière pour demander des mesures d’urgence. "On a relevé une atteinte au droit à la vie et au droit à la protection de la santé", assure une membre du syndicat. Le recours a été rejeté.
Un collectif créé pour lancer un combat judiciare?
Aucune plainte n'a été déposée pour des faits de négligence ou d'agression sexuelle. Cela s'explique, en partie, par le fait que certains patients souffrent de pathologies psychiatriques, et redoutent que leur parole ne soit pas prise au sérieux en raison de leur maladie.
Quant à leurs proches, ils n’ont pas toujours les ressources nécessaires pour mener un combat judiciaire face à un hôpital public doté de moyens importants. Ils pourraient cependant former un collectif en ce sens.
La direction de l'hôpital n'a pas donné suite aux demandes d'accès à l'établissement émises par BFM Nice Côte d'Azur, préférant échanger par mails, en avançant que l'accès à l'hôpital est très règlementé.
Des travaux sont en cours sur place, notamment pour créer une nouvelle structure d'hébergement censée améliorer les conditions d'accueil et la qualité de la prise en charge.