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Affaire Geneviève Legay: six mois de prison avec sursis requis contre le commissaire ayant ordonné la charge

La militante d'Attac Geneviève Legay , gravement blessée le 23 mars 2019 lors d'une manifestation des "gilets jaunes", regarde le début du procès du policier Rabah Souchi, au tribunal de Lyon, le 11 janvier 2024.

La militante d'Attac Geneviève Legay , gravement blessée le 23 mars 2019 lors d'une manifestation des "gilets jaunes", regarde le début du procès du policier Rabah Souchi, au tribunal de Lyon, le 11 janvier 2024. - JEFF PACHOUD / AFP

Geneviève Legay, militante d'Attac, avait été grièvement blessée en mars 2019 lors d'une charge de policiers pour disperser une manifestation interdite de "gilets jaunes". Le commissaire Souchi, est jugé cette semaine pour avoir ordonné une charge "inadaptée".

Six mois de prison avec sursis ont été requis ce vendredi 12 février contre le commissaire Souchi, accusé d'avoir ordonné une charge de policiers "inadaptée" en mars 2019 pour disperser une manifestation interdite de gilets jaunes à Nice.

Un "ordre mal ordonné"

Geneviève Legay, une militante d'Attac, avait été grièvement blessée lors de cette charge qui avait entraîné de multiples fractures et un traumatisme crânien pour la septuagénaire.

"Cet ordre a été donné de manière ni nécessaire, ni proportionnelle, ni conforme à la réglementation", a estimé le procureur Alain Grellet au deuxième jour du procès de Rabah Souchi devant le tribunal correctionnel de Lyon.

C'est "un ordre mal ordonné et donc mal exécuté qui conduit à ces blessures", a poursuivi le procureur, en notant que la "confusion" autour de la préparation de la manœuvre.

Les débats ont mis en lumière une charge lancée dans un temps très court après les sommations d'usage, ne laissant pas le temps aux manifestants de se disperser, ni aux policiers intervenants de se préparer correctement.

L'ordre donné est totalement légal", a argumenté de son côté l'avocat de la défense Me Laurent-Franck Liénard, qui a demandé la relaxe de son client. Le jugement a été mis en délibéré au 8 mars à 14h.

Geneviève Legay "vraiment diminuée"

Lors de ce procès dépaysé à Lyon, l'agent qui l'a bousculée n'est pas renvoyé devant la justice. Seul le commissaire divisionnaire Rabah Souchi, 54 ans, devait, en tant que "chef tactique" du dispositif sécuritaire, répondre de "complicité de violence par une personne dépositaire de l'autorité publique".

Les juges d'instruction ont estimé que seul le commissaire portait une responsabilité pénale dans une charge qui n'était "ni nécessaire, ni proportionnée au regard du but à atteindre: disperser une foule calme composée de manifestants pour certains âgés, de journalistes et de simples badauds".

Appelé à la barre des témoins, Geneviève Legay est revenue ce vendredi 12 janvier avec émotion sur cette journée qui l'a laissée "vraiment diminuée".

"Comme une imbécile, excusez-moi, j'ai voulu faire un dernier tour de drapeau et dire liberté de manifester", s'est-elle remémorée. Elle aperçoit quelques policiers, avec boucliers et tonfas. "Je me dis 'il t'arrivera rien, t'as un drapeau de la paix'. Je me suis réveillée à l'hôpital."

Elle garde des séquelles de cette journée, une situation "difficile à accepter" pour celle qui revendique 50 ans de militantisme. "On ne la reconnaît pas du tout, elle a peur en permanence", témoigne une de ses filles

A l'époque, les images de la septuagénaire inanimée au sol font couler beaucoup d'encre, d'autant que les autorités sont soupçonnées d'avoir cherché à étouffer l'affaire, le procureur de Nice ayant, dans un premier temps, nié tout contact entre la militante et les forces de l'ordre, une thèse reprise à l'Elysée par Emmanuel Macron.

L'avocat du commissaire veut plaider la relaxe

Lors de sa longue audition jeudi, le commissaire a, lui, insisté sur le rôle du policier qui a bousculé Geneviève Legay, estimant qu'il s'était "détaché de l'action collective".

D'une voix ferme, il a aussi défendu sa décision d'ordonner la charge, "tactique la plus efficace ce jour-là" afin de répondre à l'objectif fixé par le préfet: disperser la manifestation, a-t-il soutenu. Un objectif qui se justifiait, selon lui, par la présence des manifestants sur les voies de tram et leur refus de partir alors que la manifestation était interdite.

Vendredi, dans sa dernière prise de parole, il a refusé le "raccourci d'affirmer que je ne me soucie guère des conséquences de l'action sous prétexte qu'il y a la loi". "Bien sûr que ça a changé les choses" dans sa façon de travailler, a-t-il affirmé.

Son avocat Laurent-Franck Liénard, qui dénonce une "hérésie judiciaire", a plaidé la relaxe.

Les avocats de Mme Legay, et ses soutiens, souhaitent eux obtenir une décision qui fasse jurisprudence. "Geneviève Legay est une exception parmi tant d'autres en ce qui concerne les violences policières", a lancé Me Arié Alimi, qui dans sa plaidoirie a demandé au tribunal d'"apporter des points de référence".

"Aujourd'hui la justice reconnaît des fautes qui ont été commises dans le maintien de l'ordre, qui reconnaît que cette enquête n'aurait pas dû se dérouler comme elle s'est déroulée, qui reconnaît un scandale judiciaire, un mensonge d'Etat", s'est-il aussi félicité devant les journalistes.

G.H. avec AFP