Montgenèvre: une manifestation contre la politique migratoire aux frontières

Des pancartes aux noms des personnes disparues et un cri de colère : "De l'air, de l'air, ouvrez les frontières", scandaient la centaine de manifestants qui se sont élancés ce dans la soirée, samedi 8 février, à la station de Montgenèvre (Hautes-Alpes). Une fanfare pour rythmer la marche et quelques symboles, comme ce cercueil en carton pour évoquer la mort qui attend les migrants aux frontières.
"C'est une question de visibilité d'être ici aujourd'hui, affirme une militante de Briançon qui a souhaité garder l'anonymat. Les conditions se sont à nouveau durcies ces derniers mois. Il y a encore cette nuit des gens qui essayent de passer la frontière dans le froid et l'indifférence générale". Chaque jour, entre 10 et 20 personnes traversent la frontière franco-italienne dans un froid glacial, à la recherche de passages toujours plus dangereux par les montagnes pour éviter les gardes-frontières.
"Pour moi c'est inadmissible que des enfants, des femmes et des hommes ne puissent pas traverser une frontière, qu'ils soient de n'importe quel pays ou de n'importe quelle religion", déclare Jasmine, une militante venue de Grenoble.
"Le droit des personnes exilées n'arrête pas de se restreindre"
La manifestation s'est dirigée vers les locaux de la Police aux Frontières, chargée de surveiller les passages illégaux. Certains militants brandissent un petit carnet à la main qui incite les policiers à la désobéissance. Une minute de silence est observée à la mémoire des 11 personnes décédées à la frontière depuis 2018, tandis qu'un militant énumère leurs noms.
Un chiffre funeste qui est la conséquence, selon Michel Rousseau, de politiques toujours plus répressives. "Le droit des personnes exilées n'arrête pas de se restreindre, s'indigne un des co-présidents du mouvement citoyen Tous Migrants. On les refoule comme des bêtes sauvages, comme des gens nuisibles. On parle de submersion, de flux... Il y a tout un vocabulaire de l'extrême-droite qui est malheureusement repris par les gouvernements successifs et qui voudrait faire croire que ces gens-là sont des gens dangereux, alors que ce sont des gens comme vous et moi".
Une frontière traversée au quotidien
La manifestation lancée par Tous Migrants, Médecins du Monde et Refuges Solidaires fait partie d'une semaine de mobilisation marquée par le 6 février, jour de commémor'action des morts aux frontières. Un rassemblement en leur hommage s'est tenu ce jour-là à Briançon, en plus d'un ciné-débat le lendemain autour du film Un paese di resistenza.
Ce samedi soir, au départ de la manifestation, une carte de l'Europe recensait les morts aux frontières alpines. 1 sticker pour chacune des 145 personnes décédées entre 2015 et 2025. Celle de Briançon y est particulièrement représentée, étant depuis la crise migratoire de 2015 un passage quotidien pour des populations venues d'Italie ou des Balkans.
L'atelier est animé par Cristina Del Biaggio, chercheuse à l'Université Grenoble Alpes et spécialiste du lien entre frontière et migration. "À partir de 2015, on a connu un processus de frontierisation de l'arc alpin, analyse la géographe. Tous les Etats alpins ont presque simultanément commencé à fermer leurs frontières, ce qui a eu pour conséquence tout à fait logique et dramatique d'augmenter les violences contre les personnes qui essayent de passer".
Hasard du calendrier, la manifestation se déroule le premier jour des vacances. Des dizaines de milliers de touristes sont attendus les prochains jours. Ils ne seront pas traités de la même manière, rappellent avec colère les militants.