Sécurité routière: les capots de nos SUV sont-ils trop hauts?

Sept centimètres de plus en 15 ans. Avec la mode des SUV, la hauteur des capots n’a fait que progresser ces dernières années. Et c’est un danger en cas de choc avec un piéton ou plus largement avec un usager dit "vulnérable" (les cyclistes et deux-roues,qui n'ont pas de carrosserie), pointe une étude publiée par Transport & Environnement (T&E) ce jeudi.
Une décennie de croissance
L’association prend l’exemple de modèles particulièrement imposants comme le Land Rover Defender ou le Dodge Ram dont la hauteur du capot dépasse 1 mètre. En cas de choc frontal avec un piéton, ce dernier serait moins bien protégé. S’il s’agit d’un piéton de petite taille comme un enfant, ce dernier serait aussi moins visible.
A contrario, le même choc avec une berline au capot plus bas entraînerait moins de blessures pour un piéton.

"Pour les enfants, cela va être une problématique au sens où les conducteurs de ces véhicules à capot haut ne va pas forcément voir l’enfant qui se retrouve juste devant la voiture mais c’est aussi un risque, pour les piétons puisqu’un véhicule à capot haut multiplie le risque d’avoir des blessures graves quand on est percuté par ce type de véhicule", explique à BFMTV Nicolas Raffin, porte-parole de l’association pour la France.
Si les modèles pris en exemple dans l’étude ne représentent pas la majorité des SUV vendus sur le continent, et notamment en France, cette course à la hauteur représente une problématique globale, pour T&E.
"En 2024, environ 5% des voitures neuves vendues en France possédaient un capot supérieur ou égal à 1 mètre de hauteur", nous détaille le porte-parole de l’association.
Ce dernier évoque notamment deux modèles parmi les plus vendus comme le Dacia Duster ou le Citroën C3 Aircross, respectivement 9e et 22e meilleures ventes l’année dernière sur le sol français.
T&E demande donc une évolution de la réglementation européenne avec une hauteur maximale de 85 centimètres recommandée pour le capot, "sous réserve d’une étude plus approfondie".
La place des SUV dans l'espace public au coeur des débats
Cette nouvelle publication intervient alors que cette question d’une possible plus grande dangerosité des SUV en cas d’accident, en raison de leur gabarit, revient régulièrement dans les débats. Notamment car ces véhicules représentent aujourd’hui près d’une vente de voitures neuves sur deux et que de nombreux automobilistes se tournent vers ce type de modèles pour plus de sécurité.
"Souvent quand on a une plus grosse voiture, on est un petit plus surélevé, explique ainsi à BFMTV Madeline. On a une meilleure visibilité sur la route, donc je ne pense pas qu’il y ait plus de danger".
Mais expliquer les raisons et causes d’un accident n'est pas chose aisée. Fin avril, une étude de l’Imperial Collège et de la London School of Hygiene and Tropical Medicine analysant 680.000 accidents depuis 35 ans pointait ainsi des blessures plus graves pour les cyclistes et les piétons en cas de choc avec un SUV qu’avec un véhicule classique.
"Le risque de blessure mortelle augmentait de 44% pour les personnes de tous âges percutées par un SUV, par rapport à celles percutées par une voiture particulière", précise l’étude.
Cet article de l’Imperial College se base toutefois majoritairement sur des études américaines. Or, comme nous l’explique Matthew Avery, directeur du développement stratégique de l’EuroNCAP -qui teste et classe les nouveaux modèles selon des critères de sécurité, via des crash-tests-, les États-Unis ne disposent pas, contrairement à l’Europe, de législation pour protéger les piétons en cas de choc. Si cette législation ne porte pas sur la hauteur des véhicules, elle couvre différents facteurs.
Une législation européenne en constante évolution
La législation européenne date de 2003 et s’est progressivement renforcée, en travaillant à la fois sur la capacité des capots à absorber des chocs, sur la forme des pare-chocs et des faces avant mais aussi plus récemment sur l’introduction d’aides à la conduite (caméras, radars pour détecter les piétons ou freinage d’urgence obligatoire en 2024) de plus en plus nombreuses. Ce qui a fait évoluer progressivement évoluer également la philosophie de la sécurité routière, pour non seulement limiter les conséquences néfastes d’un choc mais surtout désormais tenter de l’éviter.
"La hauteur peut affecter la manière dont le piéton risque d’être touché, mais la forme du véhicule est critique", souligne Matthew Avery.
Ce dernier donne l’exemple du Defender, dont l’allure générale a fort peu évoluée depuis près de 70 ans mais où l’actuelle génération est beaucoup sûre pour les usagers vulnérables. Il récolte ainsi un score de 71% lors de sa dernière évaluation par l’institut en 2020, avec par exemple une bonne protection de la tête du piéton mais relativement moins bonne du bassin.
Hanche et genou sont des éléments critiques que les constructeurs comme les régulateurs cherchent à protéger, ainsi que la tête d’un cycliste ou d’un piéton, qui a fortiori ne porte pas de casque, nous résume un expert de l’accidentologie. Les constructeurs travaillent également sur de nouveaux matériaux plus mous (comme des plastiques, des polystyrènes) pour les faces avant afin de mieux absorber les chocs.
Reste à voir comment ces différentes technologies se sont diffusées dans le parc. Plusieurs experts pointent la difficulté de comparer des véhicules de différentes générations, justement à cause de cette évolution de la réglementation. Et de pointer aussi l’environnement qui joue un rôle prépondérant en cas de choc. Un modèle de plus de deux tonnes reste toutefois soumis aux lois de la physique où le poids va aggraver les choses en cas de vitesse trop importante.
