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Pénurie de semi-conducteurs: des espoirs de retour à la normale dans l'industrie automobile?

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Alors que le marché automobile français est au plus bas, l'équipementier Valeo dit s'attendre à des améliorations dans les approvisionnements. Mais les experts doutent.

On le sait, le secteur automobile est le premier à souffrir de la pénurie de semi-conducteurs qui frappe actuellement la planète. Une situation qui a provoqué la suspension de nombreuses lignes de production et une chute des ventes de véhicules neufs pour cause d'indisponibilités.

Au niveau mondial, dans toute l'industrie, les pénuries ont empêché la production de 7,7 millions de véhicules en 2021, selon le cabinet AlixPartners, pour un manque à gagner de 180 milliards d'euros. En France, chez Renault par exemple, ce "manque à produire" a atteint 500.000 véhicules l'an passé.

La question est de savoir si cette situation va encore perdurer cette année voire l'année prochaine. Car augmenter les capacités de production de puces et/ou bâtir de nouvelles usines prend du temps.

Accord entre Qualcomm et Renault

Certains acteurs affichent un optimisme mesuré comme l'équipementier français Valeo. Ce mercredi, il soufflait le chaud en indiquant "s'attendre à une poursuite de l'amélioration des approvisionnements en puces électroniques trimestre après trimestre en 2022" dans la foulée d'un certain redressement observé au quatrième trimestre dernier.

Le secteur s'est également félicité d'un accord entre le groupe Renault et le fondeur Qualcomm pour la fourniture de puces spécialisées notamment pour la conduite autonome, la console multimédia ou l'affichage du tableau de bord.

Le géant américain Intel est également source d'espoir avec la construction de sa grande usine de puces en Allemagne. Le groupe veut y fabriquer des composants à très grande finesse de gravure, de l'ordre de quelques nanomètres. 

Mais on l'a dit, l'apport d'une telle usine n'est pas pour tout de suite. "Investir maintenant dans de nouvelles fabs (usines de fabrication) ne permettra d’augmenter la capacité de production qu’au bout de plusieurs mois, voire de plusieurs années. Quand l’entreprise fabriquant le plus de semi-conducteurs au monde (TSMC) annonce la construction d’une nouvelle usine en septembre 2021, elle prévoit que la production pourra débuter… en 2024", souligne Mathilde Aubry, enseignant-chercheur, titulaire de la chaire management de la transformation numérique de l'EM Normandie dans un rapport.

De nouvelles capacités qui ne concernent pas les puces d'ancienne génération très utilisées dans l'auto

Une analyse partagée par une étude du cabinet Roland Berger publiée en décembre dernier estimant que la demande mondiale en semi-conducteurs devrait augmenter de 17% en 2022, alors que l'offre ne progressera que de 6%.

"L'écart entre l'offre et la demande de semi-conducteurs se creuse de plus en plus", commente Falk Meissner, associé chez Roland Berger. "Il n'y a pas d'amélioration des perspectives de sitôt. En effet, les raisons de la crise de l'approvisionnement sont structurelles et liées à la façon dont les chaînes d'approvisionnement sont actuellement mises en place. La pénurie de puces persistera jusqu'en 2023 – et probablement au-delà. Les extensions de capacité qui ont été annoncées ne suffisent pas à répondre à la demande", alerte-t-il.

D'autant plus que 95% des puces utilisées dans l'industrie automobile sont des composants d'ancienne génération datant des années 1990/2000.

"Les plus grandes pénuries concernent les puces d'ancienne génération, les anciens semi-conducteurs dont dépend l'industrie automobile. Mais les capacités de fabrication supplémentaires sont principalement constituées dans les nouvelles générations, ce qui signifie que ces investissements offriront peu de soulagement", souligne le cabinet.

Les néo-constructeurs tirent leur épingle du jeu

L'industrie automobile doit donc accélérer sa mue technologique en matière de composants électroniques afin de profiter des nouvelles capacités de production de puces de nouvelle génération. "Les experts de la technologie et des entreprises automobiles interrogés dans le cadre de l'étude estiment qu'il faudra plus de cinq ans aux fabricants traditionnels pour achever la transition" peut-on lire.

Seule exception, les "néo-constructeurs" comme Tesla qui utilisent des puces dotées de technologies plus avancées où la pénurie est moins forte. Ce qui explique que le constructeur a moins de difficultés à livrer ses clients que les autres.

Enfin, le cabinet constate que certains constructeurs automobiles passent déjà d'une approche "juste-à-temps" à une approche "juste-au-cas" et surstockent ainsi des semi-conducteurs. "À court terme, cela aggrave encore la pénurie d'approvisionnement", estime Roland Berger.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business