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Au volant, le piège des notifications sur smartphone multiplie par deux le risque d'accident

L'expérience réalisée par Assurance Prévention montre les dangers de consulter des notifications pendant la conduite.

L'expérience réalisée par Assurance Prévention montre les dangers de consulter des notifications pendant la conduite. - Assurance Prévention

Un conducteur détourne les yeux en moyenne 6 minutes par heure pour consulter des notifications sur son téléphone, alerte une étude d'Assurance Prévention. Une distraction à l'origine de près d'un accident corporel sur quatre.

C'est un fléau moderne et un défi pour la sécurité routière: les notifications qui incitent très souvent à consulter son smartphone, venant ainsi distraire les conducteurs. En 2023, ce défaut d'attention était en cause dans un accident corporel sur quatre en France, avec même une implication dans 390 décès.

En moyenne, un utilisateur de smartphone reçoit 80 notifications par jour, mais cela peut dépasser les 300 chez certains. Et à moins d'éteindre son téléphone ou de passer en mode avion, cela ne s'arrête pas pendant la conduite.

Des notifications sur simulateur de conduite

Mais à quel point cette addiction au téléphone est-elle dangereuse? C'est ce qu'a voulu vérifier l'association Assurance Prévention, au moment des premiers départs en vacances, avec une étude scientifique sur cette question. L'expérience invitait 24 conducteurs réguliers à simuler un trajet combinant conduite en ville, sur des routes secondaires puis sur autoroute.

Ce trajet de 30 minutes a été réalisé trois fois par chaque participant: la première fois avec un "usage naturel", soit le smartphone du conducteur posé sur un support, la deuxième fois sans smartphone, et la troisième fois avec l'envoi de notifications (SMS et messages Whatsapp) lors de situations de conduite risquée.

Les résultats de l'expérience montrent à quel point ces différentes sollicitations dégradent le niveau de concentration et donc la conduite. Un appareil identifiait en effet où se porte le regard du conducteur, pouvant ainsi évaluer ce niveau et le temps de distraction.

500 mètres à l'aveugle sur autoroute

Il ressort ainsi qu'un conducteur qui a activé les notifications de son smartphone détourne les yeux de la route pendant 6 minutes par heure, soit l'équivalent d'une heure sur un trajet Paris-Nice.

Autre chiffre marquant: une notification demande en moyenne 12,7 secondes pour la "traiter", avec un regard qui alterne entre route et écran, mais des contrôles de sécurité essentiels (un regard dans un rétroviseur par exemple) qui passent à la trappe. À 130 km/h sur autoroute, cela représente près de 500 mètres parcourus à l'aveugle.

En ville, à 50 km/h, cela représente 176 mètres parcourus avec le risque de ne pas voir un piéton traverser ou d'avoir un accrochage avec un autre usager de la route.

Dès les premiers gestes sur le téléphone, le comportement de cette conductrice change: elle s'immobilise au-delà de la ligne de feux et redémarre bien après le passage du feu au vert.
Dès les premiers gestes sur le téléphone, le comportement de cette conductrice change: elle s'immobilise au-delà de la ligne de feux et redémarre bien après le passage du feu au vert. © Assurance Prévention

Plusieurs extraits vidéos de cette expérience permettent de réaliser à quel point ces distractions peuvent sortir un conducteur de sa concentration. Un exemple: à l'approche d'un feu rouge, le simple fait de réagir à une notification retarde fortement le temps d'arrêt, au-delà de la ligne de feu. Le conducteur redémarre près de 7 secondes après le passage au vert... et ne voit pas la voiture arrivant sur sa droite en grillant le feu. Un des pièges tendus par les concepteurs de cette expérience.

Sur d'autres scénarios plus anodins, on constate des trajectoires non-maîtrisées, le non-respect des distances de sécurité, avec une sortie de route dans un des exemples.

Pour ce conducteur qui consultait son téléphone, c'est carrément une sortie de route pour éviter une collision.
Pour ce conducteur qui consultait son téléphone, c'est carrément une sortie de route pour éviter une collision. © Assurance Prévention

Un risque d'accident multiplié par deux

Finalement, le fait de prendre en compte ces notifications double le risque d'accident selon cette expérience qui prolonge celle déjà menée l'an dernier par Assurance Prévention sur ce thème.

"Il y a 20 ans, l'inattention représentait la 7e cause d'accident mortel, c'est aujourd'hui la 3e après la vitesse et l'alcool", a expliqué Eric Lemaire, vice-président d'Assurance Prévention, lors de la présentation de cette étude.

Le numérique accélère d'une certaine manière cette déconcentration avec une sollicitation permanente.

"Déjà, au début des années 2000 avec l'arrivée des mails en entreprise, nous avions remarqué qu'un salarié pouvait rester concentré pendant au maximum 7 minutes avant d'être dérangé", a souligné Dominique Boullier, sociologue du numérique.

En discutant avec des personnes qui passent les fameux stages de récupération de points, le chercheur constate aussi une réponse quasi-systématique aux comportements dangereux: le classique "t'en fais pas, je gère", qui peut s'appliquer à des feux rouges grillés... comme au fait de consulter son téléphone, sans conscience du danger avant de vivre un accident.

"C'est un problème de répartition de l'énergie cognitive, il y a l'illusion qu'on peut être en multi-tâches, alors que le cerveau ne peut seulement gérer qu'une succession de tâches et surtout dégrader son traitement de la tâche principale", résume Dominique Boullier.

Des conseils pour rester concentré

Pour réduire les risques, Assurance Prévention conseille de couper ses notifications (avec le mode "ne pas déranger" par exemple, qui permet de conserver la connexion pour les usages GPS contrairement au mode avion) ou de confier son téléphone à un passager.

Il est aussi recommandé d'anticiper les réglages de la radio, d'une playlist musicale et l'itinéraire sur le GPS afin de limiter au maximum les interactions à réaliser au volant.

Enfin, pensez bien à prévoir des pauses régulières, toutes les 2 heures au maximum et sinon dès les premiers signes de fatigue. L'occasion de se reposer, s'aérer et pourquoi pas donc de se reconnecter, avant de reprendre la route.

https://twitter.com/Ju_Bonnet Julien Bonnet Journaliste BFM Auto