Procès du déraillement à Eckwersheim: les victimes veulent "que la vérité éclate"

La fin d’une longue attente. Ce lundi 4 mars s’ouvre devant le tribunal correctionnel de Paris le procès du déraillement d’un TGV, le 14 novembre 2015 à Eckwersheim (Bas-Rhin). Un accident tragique au cours duquel 11 personnes sont mortes et 42 autres ont été blessées, dont la moitié grièvement.
"Enfin, on va parler de cette affaire"
Ce procès technique, l’accident s’étant produit au cours de l’ultime test du tronçon de la ligne à grande vitesse Est qui devait être lancé cinq mois plus tard, est aussi un espoir pour les victimes: visibiliser ce drame, occulté par les attentats du 13-Novembre à Paris.
"Enfin, on va parler de cette affaire", se félicite Gérard Chemla, avocat d’une majorité des parties civiles au procès, auprès de BFM Alsace. "Même si nous restons dans l’ombre du procès de l’attentat de Strasbourg, on va malgré tout s’intéresser à ces victimes du TGV".
Ces personnes attendent du procès "qu’il ait lieu, que l’on puisse le mettre derrière nous", rapporte Me Gérard Chemla. "Cela fait huit ans et demi que nous attendons et il est indispensable de pouvoir avancer, d’en parler au passé."
Le fils de Mathilde de Saint-Léger figure dans la longue liste des personnes blessées. Sa belle-fille n’a pas eu cette chance. Elle est morte dans le déraillement du train où se trouvaient 53 passagers, dont de nombreux techniciens de la SNCF et Systra, l’une de ses filiales.
"On attend du procès que la vérité éclate, que l’on sache vraiment qui sont les responsables", explique Mathilde de Saint-Léger.
"Il y a quand même 11 morts et 42 blessés et je parle de blessés physiques, poursuit la mère de famille. Il y aussi beaucoup de blessures psychologiques, ça fait plus de huit ans que c’est arrivé." Et d’ajouter: "c’est plus du tiers de la vie de mon fils". Au total, 89 personnes se sont constituées parties civiles.
Des dépressions
Ces victimes se sont rarement exprimées dans la presse. Cette faible exposition médiatique, outre les attentats de Paris, est aussi due à leur statut. "Elles travaillent directement pour la SNCF ou une filiale, ce qui ne rend pas confortable leur situation", explique leur avocat.
"Avec en plus une dimension affective et la sensation d’un conflit de loyauté entre une société et un groupe dans lequel elles ont construit leur vie, souvent familiale d’ailleurs, et la réalité des faits."
Après le drame, des salariés ont tenté de reprendre un semblant de vie. Certains sont retournés chez Systra. "Ils ont tenu quelques semaines ou mois”, détaille l’avocat des parties civiles. Avant que la dépression ne les rattrape. “Elles ont quitté la société depuis", poursuit Gérard Chemla.
"Beaucoup pensent qu'ils auraient dû mourir"
Dans la tête des rescapés, le syndrome du survivant est une énième épreuve à traverser. "Beaucoup pensent qu’ils auraient dû mourir et que c’était injuste qu’ils survivent", poursuit-il.
De ces longues semaines d’audience, le procès se tenant jusqu’au 16 mai, les parties civiles et victimes attendent d’avoir "la vérité et si possible la justice". "Le risque, c’est que nous ayons en face de nous des personnes qui sont dans le déni", détaille l’avocat.
Le 14 novembre 2015, à 15h04, le train, qui affichait 265 km/h au compteur, une vitesse supérieure aux 176 km/h prévus sur la feuille de route, a déraillé et chuté dans le canal de la Marne au Rhin, 200 mètres après le passage d’une courbe très prononcée.
Après le drame, l’enquête a été confiée au pôle accident collectif du tribunal judiciaire de Paris. Selon les experts, la vitesse excessive et le freinage tardif sont à l’origine de l’accident ainsi que le manque de communication et l’inexpérience de certains membres de l’équipage.
La SNCF, ses filiales Systra et SNCF Réseau (gestionnaire des voies) ainsi que trois personnes physiques (le conducteur titulaire, un cadre de la SNCF chargé de lui donner les consignes de freinage et d'accélération et un ingénieur de Systra, chargé de renseigner le conducteur sur les particularités de la voie) sont sur le banc des prévenus dès ce lundi.