Procès de l'attentat de Strasbourg: la défense du principal accusé fragilisée par une phrase menaçante du jihadiste

La salle d'audience du procès de l'attentat de Strasbourg se tient à la Cour d'assises spéciale de Paris. - IAN LANGSDON
"Tu vas entendre parler de moi sur BFMTV!" aurait menacé l'auteur de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg, Chérif Chekatt, avant la tuerie de 2018. Des propos rapportés pendant l'enquête par le principal accusé et qui fragilisent aujourd'hui sa ligne de défense alors qu'il prétend qu'il ignorait tout des projets du jihadiste.
Jugé par la cour d'assises spéciale de Paris pour avoir fourni à Chekatt l'arme qui a servi à l'attentat du 11 décembre 2018, Audrey Mondjehi s'est montré flou lundi 25 mars sur la date à laquelle il a entendu cette phrase, mais en a confirmé peu ou prou la teneur.
Chekatt aurait haussé le ton un jour où Audrey Mondjehi lui aurait réclamé de lui régler une dette de 200 euros pour payer des vêtements de contrefaçon qu'il lui avait fournis. Sommé de payer, Chekatt aurait répondu: "Tu crois que j'ai peur de toi, tu seras le prochain sur ma liste, tu vas entendre parler de moi sur BFMTV".
"Je ne pensais pas à du terrorisme"
Mondjehi a été "marqué" par l'épisode, souligne la présidente, puisqu'il l'a rapporté à plusieurs de ses proches qui l'ont confirmé aux enquêteurs, même s'ils ne situent pas tous ce récit à la même date.
"Entre septembre et décembre 2018, Chekatt cherche une arme, il vous dit 'je vais passer sur BFM' et ça ne vous inquiète pas plus que ça?", s'étonne la présidente. "Vous avez eu plusieurs jours pour y penser, avant l'attentat" (qui fit cinq morts et 11 blessés, ndlr). "Et malgré cette phrase, vous allez l'aider à se procurer une arme!", insiste-t-elle.
"Je ne pensais pas à du terrorisme", répète Mondjehi.
"Mais enfin, cette phrase, que pouviez-vous en pressentir? Ça voulait dire quoi? 'Tu seras le prochain sur ma liste', c'était une menace?", insiste encore la présidente.
"Je ne sais pas. Je n'avais pas peur de lui. Je ne suis pas rentré dans les détails", élude l'accusé.
Un "idiot utile"?
Volant à son secours, l'un de ses avocats, Me Michaël Wacquez, souligne en substance que son client est de bonne foi, puisqu'il a de lui-même évoqué spontanément cet épisode devant les policiers.
"Cette histoire, vous en avez parlé à des tierces personnes (après l'attentat, ndlr), en pleurs, la tête entre les mains, en soulignant que vous n'aviez rien vu", retrace-t-il.
"On ne va pas vous faire passer pour ce que vous n'êtes pas, un homme doté d'une grande vivacité d'esprit", ajoute le défenseur, esquissant ainsi l'un des axes probables de sa plaidoirie: celle d'un accusé ayant servi d'"idiot utile" à Chérif Chekatt.