Faut-il craindre un nouveau "bug de l’an 2000"?

Le 31 décembre 1999 reste un des jours les plus angoissants pour le monde de l’informatique. L’humanité craignait une panne mondiale, le black-out. En cause, l’an 2000: le passage à cette nouvelle année était particulièrement redouté par les entreprises technologiques. Elles anticipaient un bug mondial capable de paralyser l'ensemble des systèmes informatiques, le fameux bug de l'an 2000 ou "Y2K bug".
Une histoire de date
Quelle sorte de bug peut susciter autant d'appréhension chez l'ensemble du secteur de la tech? En réalité, il ne s'agit pas d'un bug mais plutôt d'une erreur de date. Aux balbutiements de l'informatique dans les années 1960, les scientifiques ont pensé l'horloge interne aux ordinateurs en jour/mois/année sous la forme jj/mm/aa. Le problème avec ce format réside dans l'interprétation des années.
Jusqu'en 1999, représenter l'année avec seulement deux chiffres ne posait aucun souci. Exemple avec le 4 octobre 1986, qui s'affichait 04/10/86. Mais le 1er janvier 2000, les horloges internes passaient à 01/01/00. Un problème majeur apparaît alors, les machines n'opèrent pas le changement de siècle. Elles comprennent l'année "00" non pas comme l'année 2000 mais comme l'année 1900.
La plupart des ordinateurs commercialisés avant 1997 étaient susceptibles de présenter ce défaut et il était encore incertain qu'ils puissent fonctionner correctement à compter du 1er janvier 2000. Par exemple, il était impensable d'ouvrir un fichier datant de 1999 si l'horloge de la machine est réglée en 1900. Des répercussions étaient attendues sur les ordinateurs des particuliers mais également sur ceux utilisés par l'aviation ou les hôpitaux.
Un vent de panique mondial
Dans une volonté d'anticiper cette transition redoutée, la plupart des gouvernements mondiaux préparaient leurs systèmes informatiques au passage à l'an 2000. Avant le 31 décembre 1999, près de 300 milliards de dollars ont été investis mondialement pour s'assurer que tous les systèmes, hardwares et softwares, étaient compatibles avec l'année 2000. Un travail titanesque qui consistait principalement en la réécriture de code informatique et le remplacement de certains composants électroniques.
En France, le gouvernement de Lionel Jospin lançait la mission "Passage An 2000" en 1999 soit pile un an avant la date fatidique. À l'époque, l'ancien ministre de l'Économie et des Finances, Dominique Strauss-Kahn, estimait le coût de cette mission "entre 10 et 12 milliards de francs" comme en témoigne une archive de l'INA. L'État dépensera finalement 120 milliards de francs afin de se préparer au mieux à la transition vers la nouvelle année (soit 26,9 milliards d'euros en prenant en compte l'inflation).
Finalement, le bug de l'an 2000 n'aura jamais eu l'ampleur attendue. Parmi les premiers pays à fêter la nouvelle année, l'Australie, le Japon et la Chine sont devenus le centre de l'attention du monde. Mais rien d'anormal se produit. Quelques subtils problèmes sont survenus comme ce client d'un vidéoclub new-yorkais qui s'est retrouvé avec une dette de 91.250 dollars pour avoir rendu un film avec 100 ans de retard. Le président américain Bill Clinton a même qualifié cette prouesse informatique de "premier défi du XXIe siècle relevé avec succès" (même si techniquement, l'année 2000 reste au XXe siècle).
Le bug de l'an 2038?
Si la catastrophe a été évitée en 2000, un autre bug du même acabit pourrait bientôt se produire. Il se trouve que dans 13 ans, plusieurs appareils électroniques et logiciels connaîtront une situation où leur horloge interne pourrait complètement se dérégler.
À l'origine du problème, une mesure appelée l'heure Posix, soit une représentation du temps qui compte le nombre de secondes qui se sont écoulées depuis le 1er janvier 1970 à minuit. Par exemple, l'heure Posix au 1er janvier 2025 à minuit est de 1.735.686.000 secondes (écoulées depuis 1970). Cette mesure du temps est notamment utilisée par de nombreux logiciels.
Mais certains logiciels ont leur horloge codée sur 32 bits, ce qui signifie qu'elle ne peut excéder une heure Posix de 2.147.483.647 secondes. Le 19 janvier 2038 à exactement 3h14min7s (soit 2.147.483.647 secondes après le 1er janvier 1970) nous vivrons le bug de l’an 2038. Une fois cette heure passée, toutes les horloges concernées reviendront au 13 décembre 1901 à 20h45min52s (2.147.483.648 secondes avant le 1er janvier 1970).
Heureusement, la plupart des systèmes informatiques sont aujourd'hui passés aux 64 bits, ce qui nous laisse une marge de 292 milliards d'années avant que les horloges n'atteignent de nouveau leur limite. Il restera cependant quelques réfractaires comme de vieux appareils électroménagers, à ce stade, compliqués à mettre à jour.