Étudiants, vous pourriez vivre dans une maison connectée gratuitement mais scrutés 24h sur 24

Une sorte de "loft story" version scientifique. C'est le projet HUT, pour Human at home Project (l'humain à la maison) lancé par le CNRS et deux universités de Montpellier. À partir de la rentrée 2018, deux étudiants vont vivre dans une maison du futur, entièrement connectée pour toute l'année scolaire. Deux autres binômes leur succéderont pour une expérience de trois ans.
Ces occupants vont vivre 24h sur 24 dans immeuble lambda du centre de Montpellier, mais au sein d'un appartement 4 pièces bardé de technologies: capteurs de mouvements, d'humidité, de température, de lumière, d'ouverture et de fermeture des portes, et bientôt de l'électroménager connecté. Des caméras filmeront en continu - exclusivement dans les pièces de vie- pas de vraies images mais les squelettes des occupants.
Derrière les écrans, ceux qui récoltent les données sont une soixantaine de scientifiques de spécialités différentes: des médecins, économistes, linguistes, comportementalistes, psychologues, juristes, informaticiens, et aussi spécialistes du marketing, architectes, des chorégraphes…
Anticiper l'impact de la maison connectée
"Ce que la technologie va nous permettre de faire d'ici à 10 à 15 ans, on le sait très bien. Ce qu'on ne sait pas, c'est comment on va s'approprier ces outils, nous les humains", explique à BFM Malo Depincé, directeur de laboratoire à l'Université de Montpellier et co-concepteur du projet HUT. "Quand on a eu notre premier portable entre les mains, on ne se doutait pas à quel point il allait révolutionner nos usages et comportements. Là on cherche à anticiper la manière dont les gens vont s'approprier, utiliser ou refuser les technologies de la maison connectée", poursuit-il.
Les scientifiques confronteront le bien-être ressenti (ils leur poseront chaque jour la question "vous sentez vous bien aujourd'hui?"), avec les données récoltées (pollution de l'air, température...). Ils analyseront également leurs déplacements, la pression de leurs pas et leur posture grâce aux 16 capteurs par mètre carré au sol. Les architectes s'en serviront pour optimiser l'aménagement de la maison du futur, les comportementalistes pour détecter des mouvements et les interpréter. S'allonger peut être un signe de détente, s'agiter peut signifier qu'il y un mal-être.
Apple, Google et Amazon ne sont pas conviés
L'idée est aussi de pas laisser les Gafa et leurs assistants vocaux, avoir le monopole sur les données personnelles des gens chez eux. D'ailleurs l'appartement n'est équipé d'aucun produit Google, Amazon ou Apple. Les outils ont été développés par les chercheurs et par des entreprises françaises partenaires. Pas question de faire profiter la Silicon Valley de l'expérience.
D'ailleurs toutes les données seront enregistrées sur un seul serveur, qui appartient à l'université. Les juristes travailleront ensuite sur leur gestion, leur organisation, en veillant à l'éthique et à la sécurité des ces datas très stratégiques. Ils les partageront en partie avec les partenaires industriels du projet HUT, comme EDF, des spécialistes de l'immobilier, des objets et de la santé connectés. Ces derniers se serviront des infos collectées pour que leurs technologies collent aux besoins et apportent du bien-être aux usagers de demain. "L'inverse de ce que font les GAFA, qui lancent d'abord leurs produits avant d'observer leur effet sur les consommateurs", souligne Malo de Pinsé.
Deux colocataires du même sexe
Les porteurs du projet n'ont en tout cas eu aucun mal à trouver des volontaires pour jouer les souris de laboratoire. Le processus de sélection pour le début de l'expérience, à la rentrée 2018, a commencé mi-juin. Une soixantaine de personnes se sont déjà portées candidates.
Le binôme qui emménagera "se sera choisi dans la mesure du possible, comme on sélectionne son colocataire dans la vraie vie", explique Malo Depincé. Ils ne devront pas forcément être des accros à la technologie, l'inverse est même plus ou moins recherché. Ces "cohuteurs" bénéficieront donc d'un logement gratuit, ils auront accès à toutes leurs données, seront informés de leur utilisation. Ils n'auront par ailleurs aucune règle de vie particulière à respecter. Ils pourront découcher dès qu'ils le souhaitent, inviter autant d'amis qu'ils veulent, faire emménager leur concubin dans l'appartement...
Dernière sécurité: un Comité d'éthique a été mis en place, présidé par le CNRS et composé de chercheurs universitaires de la France entière. Ses membres scruteront toutes les expériences, ils pourront être saisis par les étudiants, les scientifiques, et s'autosaisir.