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Pourquoi Twitter et Elon Musk se retrouvent au cœur d'un scandale politique en Inde

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A la suite d’un documentaire accusant le Premier ministre indien, le réseau social est accusé d’avoir masqué certaines publications dans le pays. Twitter aurait accepté une demande du gouvernement indien.

"Ce tweet n’a pas été diffusé en Inde en réponse à une demande légale." Voilà la mention que certains utilisateurs en Inde ont pu lire sur Twitter à la place leur publication, ces derniers jours, criant à la censure du réseau social.

Ces messages font suite à un blocage orchestré par le gouvernement indien. L’objectif était d’empêcher la publication de vidéos ou de tweets évoquant un documentaire de la BBC sur Narendra Modi, le Premier ministre du pays.

Les vidéos sur YouTube et les tweets partageant "la propagande hostile et les bêtises anti-Inde de la BBC, déguisées en 'documentaire' (...) ont été bloqués", a d'ailleurs déclaré samedi sur Twitter Kanchan Gupta, conseiller au gouvernement.

"Toutes les caractéristiques d'une purge éthnique"

Dans son documentaire, le média anglais reprend un rapport déclassifié du ministère des Affaires étrangères britannique concernant les émeutes de 2002 en Inde. Elles avaient éclaté après la mort de 59 hindous, communauté majoritaire en Inde, dans un incendie à bord d’un train. Par la suite, 31 musulmans ont été condamnés pour association de malfaiteurs et meurtres.

Le rapport déclassifié cite des sources anonymes selon lesquelles Narendra Modi, lui-même hindou, aurait rencontré des officiers de police pour leur "ordonner de ne pas intervenir" lors des violences anti-musulmans qui ont suivi la mort des pèlerins.

Cette "campagne de violence systématique a toutes les caractéristiques de la purge ethnique" et était impossible "sans le climat d'impunité créé par le gouvernement de l'Etat (...) Narendra Modi est directement responsable", conclut le rapport. Ce qui tend à remettre en cause la crédibilité de la Cour suprême indienne, qui a blanchi le Premier ministre en 2012.

C’est autour de ces tensions religieuses ravivées que Twitter est donc accusé de brider la liberté d’expression. Il est reproché au réseau social d’avoir respecté les consignes du gouvernement indien. Au total, plus d’une cinquantaine de publications ont été bloquées afin d’éviter la propagation des informations révélées par le documentaire de la BBC.

"La première fois que j'entends ça"

Interpellé sur le sujet, Elon Musk a assuré qu’il n’avait jamais entendu parlé de cette affaire. Le nouveau propriétaire de Twitter avait pourtant fait de la liberté d’expression son cheval de bataille.

"C’est la première fois que j’entends ça, écrit-il. Il ne m’est pas possible de réparer tous les aspects de Twitter dans le monde entier du jour au lendemain, tout en continuant à gérer Tesla, SpaceX et autres."

Le conseil musulman indien américain a critiqué les prises de position de Twitter. NBC News cite le directeur exécutif de l’association, Rasheed Ahmed: "Les absolutistes autoproclamés de la liberté d’expression comme Elon Musk doivent joindre le geste à la parole." Il regrette également le choix des profits à celui des droits de l’homme.

Cette affaire intervient alors que le réseau social a rétabli le compte de Kangana Ranaut. Cette star de Bollywood avait été exclue de Twitter après avoir enfreint à plusieurs reprises les règles concernant les comportements haineux. Elle est un soutien ardent du Premier ministre Narendra Modi.

Aussi, le pays connaît actuellement un sursaut des conflits religieux. Sorti le 25 janvier en Inde, le film d’action à gros budget Pathaan fait polémique chez des groupes hindous extrémistes. Hormis son acteur principal musulman, ils protestent contre l’une des chansons où une actrice apparaît avec un bikini de couleur safran. Or, cette teinte est associée à la religion hindoue et est donc considérée comme sacrée.

Par Pierre Monnier avec AFP avec AFP