Tech&Co
Tech

Netflix, Google, Amazon… Quel impact peut avoir une taxation européenne des géants de la tech?

Les GAFAM continuent d'enchanter Wall Street

Les GAFAM continuent d'enchanter Wall Street - AFP

Pressée par les taxes douanières de Donald Trump, l'Europe prépare ses mesures de rétorsion qui viseront les géants de la tech américains.

La tech américaine l'a bien compris. Ce vendredi, le Nasdaq a de nouveau plongé à l'ouverture de Wall Street signalant l'inquiétude des investisseurs pour l'avenir.

Une deuxième journée dans le rouge après les nouvelles taxes douanières astronomiques annoncées par Donald Trump. Pour l'Europe, ce sera 20%... Un moindre mal par rapport à d'autres pays comme la Chine (34%) ou le Vietnam (46%).

La réponse de l'Union européenne ne s'est pas fait attendre avec, dans un premier, la mise en place de représailles à venir sur les produits américains, comme les motos et les jeans.

En réalité, peu de biens américains sont importés. En revanche, les services ne manquent pas. Messageries, cloud, streaming… ces "services numériques" sont désormais la cible privilégiée de Bruxelles pour des mesures attendues d'ici la fin du mois.

Augmenter la "taxe Gafa"

Concrètement, que faut-il attendre? Des taxes qui viseront probablement les géants de la tech allant de Google à Microsoft en passant par Meta ou Amazon même si les détails ne sont pas encore connus.

"Il existe déjà des taxes sur certains services, notamment les prestataires de publicité ciblée et les marketplaces", rappelle Marianne Lumeau, maitresse de conférences en économie à l'université de Rennes et spécialiste de l'économie numérique.

Effectivement, la France a mis en place en 2019 la fameuse "taxe Gafa", portée par l'ex-ministre de l'Économie Bruno Le Maire. L'idée était d'en finir avec l'optimisation fiscale des grands groupes américains, qui redirigeaient leurs bénéfices vers l'Irlande – avec un taux d'impôt sur les sociétés plus faible – pour alléger massivement leur fiscalité dans les autres pays.

Concrètement, cette taxe Gafa vise principalement les marketplaces géantes (Amazon mais aussi Ebay, Google ou encore l'Allemand Zalando) et les prestataires de ciblage publicitaire (Facebook, X, Criteo). Fixée à 3% de leur chiffre d'affaires, cette taxe rapporte environ 800 millions d'euros par an à la France. Destinée à être mondiale, elle est finalement appliquée par de nombreux pays mais sans accord global.

Elle reste néanmoins un sujet de tension entre l'administration Trump et ceux qui l'appliquent. Récemment, le Royaume-Uni a ouvert la porte à son abrogation pour éviter une hausse des tarifs. Londres n'a ainsi écopé "que" d'un taux à 10% sur ses exportations.

D'autres géants de la tech sont aussi taxés, comme les plateformes de streaming allant de Netflix à Amazon Prime Video en passant par Youtube, selon un calcul assez complexe. Les plateformes dédiées aux séries et au cinéma doivent aussi injecter une partie de leurs revenus dans des créations nationales. Là encore, la taxation se fait pays par pays et une bonne partie des Européens l'ont mise en place à des niveaux différents.

Hausse des tarifs à prévoir

Voilà pour la situation actuelle. Alors quelles marges de manœuvre? "Il pourrait déjà y avoir une augmentation de ces taxes", rappelle Marianne Lumeau, qui précise qu'une harmonisation européenne est aussi en discussion.

"Mais on peut aussi imaginer taxer le cloud ou les messageries par exemple" indique la chercheuse. Whatsapp et Messenger sont ainsi la propriété de Meta tandis que le cloud est largement dominé par Amazon, Microsoft ou Google.

Mais la plupart des services cités ont un point commun: ils n'ont pas de concurrents européens. Dans les services de streaming, seule la musique est dominée par des entreprises du continent (Spotify, Deezer). Pour le cinéma et les séries, les groupes s'appellent Netflix, Disney+ ou Amazon Prime Video, tous Américains. Dans le cloud, seul OVH ou Scaleway émergent mais très loin du trio de tête étatsunien.

Faute de concurrence, taxer ces services impliquera probablement une hausse des tarifs pour les entreprises et, in fine, les consommateurs européens. "Leurs principaux clients sont des clients français et européens", rappelle encore Marianne Lumeau.

"Donc cela va augmenter les coûts fixes des entreprises."

Vers un rééquilibrage de la concurrence?

Même chose pour les réseaux sociaux "gratuits" comme Facebook, qui pourraient aussi répercuter la taxe sur les annonceurs publicitaires… européens.

Quant aux plateformes de streaming, elles ne se privent pas d'augmenter régulièrement leurs tarifs sans observer une fuite des abonnés. Une hausse des abonnements sera évidemment sur la table.

Alors que peut y gagner l'Europe? Des rentrées d'argent forcément... au détriment des entreprises et des consommateurs. Mais peut-être aussi l'occasion de rééquilibrer un peu la concurrence. "Les acteurs français sont beaucoup plus taxés que les Américains", explique Marianne Lumeau qui voit donc dans ces taxes la possibilité de "remettre sur un pied d'égalité" les entreprises européennes et américaines et de permettre à d'autres de venir s'implanter.

L'enjeu sera aussi, à terme, de combler les manques même si la tâche semble immense, par exemple sur la question du cloud souverain, éternel serpent de mer de la tech européenne.

Thomas Leroy Journaliste BFM Business