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Starfield, rachat d'Activision Blizzard et avenir du jeu vidéo: le patron de Xbox Phil Spencer se confie à Tech&Co

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Lors du Xbox Games Showcase, Tech&Co a pu s'entretenir avec Phil Spencer, le très influent patron de Xbox. Rachat d'Activision Blizzard, futur du jeu vidéo, Starfield très attendu: il ne cache pas son enthousiasme.

Il n’est jamais trop tôt pour l’entendre parler jeux vidéo avec entrain. Même à 7h du matin. C’est un peu ce qu’on se dit lorsque Phil Spencer nous accueille dans un studio de Los Angeles de bon matin pour parler du Xbox Games Showcase qui s'est tenu la veille et surtout de Starfield montré en longueur. Un moment important pour Xbox, reconnaît l'intéressé avant même le début de l'entretien.

Phil Spencer est avant tout un joueur passionné avant d’être le patron de l’un des plus gros acteurs du jeu vidéo mondial. Il ne s’en cache pas et veut immédiatement notre avis sur les jeux présentés alors que la caméra n’a pas encore commencé à tourner. Il a pris un plaisir à les montrer, comme un enfant avec un nouveau jouet, et veut partager sa joie, son sourire affiché en grand sur un visage aussi fatigué que le nôtre à une heure aussi matinale et alors que nous ne sommes même pas son premier rendez-vous du jour.

On sent que la pression de l’événement retombe peu à peu. Il faut dire que les attentes étaient élevées après une année 2022 en demi-teinte, un rachat d’Activision Blizzard King qui s’éternise et des jeux qui se font attendre. Des sujets sur lesquels il revient sans détour.

"Les joueurs sont toujours au coeur de tout chez Xbox"

"Ressentir l’énergie du public au fur et à mesure que les différents jeux apparaissaient à l’écran, la réaction des gens lors de la conférence et après, c’était vraiment formidable": Phil Spencer a vécu un moment fort avec les fans présents pour assister au Showcase -enregistré-, mais aussi participer à un mini-Fan Fest.

"Les joueurs sont toujours au cœur de tout, c’est l’intérêt principal. J’adore le contact avec les joueurs. Ils sont l’une des raisons les plus importantes de tout ce que nous faisons chez Xbox", confie-t-il, expliquant qu’il voulait surtout que "la communauté ressente cette confiance que nous avons en Xbox, en notre catalogue de jeux et ceux à venir."

Phil Spencer, le patron de Xbox, à la rencontre des fans lors du Xbox Showcase de Los Angeles (juin 2023)
Phil Spencer, le patron de Xbox, à la rencontre des fans lors du Xbox Showcase de Los Angeles (juin 2023) © Xbox

Un message aux joueurs, mais aussi, il ne le cache pas, un message à l'industrie et aux instances internationales. Car ce Xbox Showcase a fait la part belle aux studios maison avec quelques grosses exclusivités à venir (Fable, Forza Motorsport, Starfield, etc.), mais a aussi mis en avant les jeux d'éditeurs tiers (Star Wars Outlaws, Cyberpunk 2077: Phantom Liberty, Kunitsu-Gami: Path of the Goddess...). Près de 50% des 27 jeux présentés venaient d'ailleurs, et seront en grande partie disponibles aussi sur PS5 et PC.

Une diversité que l’on n’imaginait plus possible avec le nombre impressionnant de Xbox Studios désormais. Mais ces jeux tiers avaient le mérite d’être en nombre et de venir de partout, notamment d’Asie avec Atlus, Capcom et SEGA, fief que l’on croyait réservé à PlayStation.

"Je voulais vraiment envoyer ce message", avance fièrement Phil Spencer. "Nous avons vu que nos partenaires venaient de partout, comme nos propres studios viennent de partout. Les éditeurs japonais nous ont apporté un excellent soutien. C’est ça la formidable diversité, mais aussi celle représentée sur scène, dans les jeux et dans la diversité de types de jeu que nous proposons."

Il sait que c’est aussi un point qui fait débat en Angleterre et aux États-Unis dans le cadre de l’acquisition d’Activision Blizzard King, ce risque de voir Xbox cadenasser la concurrence et faire preuve d’hégémonie sur le marché du jeu vidéo. L’intéressé balaie tout ça d’un revers de la main. "Les partenaires tiers, les développeurs indépendants jouent un rôle très important dans ce que nous faisons", rappelle-t-il. "Sur Xbox, la grande majorité des jeux auxquels on joue et qui se vendent proviennent d’éditeurs tiers, et non de nous en tant que société propriétaire. Et c’est ce que nous voulons."

Starfield, un jeu important pour Xbox

Lui veut voir ses consoles Xbox Series X⎮S comme un endroit où les développeurs indépendants comme les gros éditeurs "peuvent faire de grandes choses".

"Si nous ne sommes pas une plateforme performante pour des tiers, qu’ils soient gros ou petits, nous ne réussirons pas", analyse Phil Spencer. "Les voir sur notre scène, sentir l’enthousiasme des joueurs quand ils voient les jeux, c’est très important pour nous."

Mais il est aussi très fier d’avoir des jeux maison comme Starfield, premier-né de l’union avec Bethesda après le rachat du groupe ZeniMax (qui détient aussi Arkane Studios derrière Redfall, première véritable exclusivité Xbox aux débuts calamiteux). Un jeu qui s'annonce gargantuesque et dont il parle avec frénésie, conscient de la perle que Xbox a entre les mains.

Phil Spencer sur la scène du Xbox Games Showcase de Los Angeles (juin 2023)
Phil Spencer sur la scène du Xbox Games Showcase de Los Angeles (juin 2023) © Tech&Co - Melinda DAVAN-SOULAS

"Nous travaillons sur Starfield depuis un bon moment. Qui sait jusqu’où vous allez aller dans un jeu? Mais Todd Howard et l’équipe de Bethesda Game Studios ont créé Skyrim, Fallout 3 et 4. C’est une équipe qui sait créer de grands RPG immersifs qui durent longtemps", s’enthousiasme celui qui y joue depuis novembre, ne cachant pas que c’est "un jeu important" pour le géant américain.

Négocier le rachat d'Activision Blizzard: "Je n'étais pas préparé à ça"

Rassuré par l’accueil réservé à un Xbox Showcase très dense, Phil Spencer a aussi la tête au difficile rachat d’Activion Blizzard King qui va encore durer. Devant la presse après la conférence, il avouera sur le sujet qu'il n'était pas "préparé à ça".

"Je n’ai jamais fait de rachat à 70 milliards de dollars auparavant, d’acquisition de cette taille et soudainement, on me demandait quelle était ma stratégie et comment ça allait se passer", nous explique-t-il.

"Ça a été un long parcours et une expérience d’apprentissage de discuter avec les régulateurs gouvernementaux, d’écouter leurs préoccupations, de réfléchir à ce que nous pouvons faire pour faire avancer ce processus. Apaiser peut-être leurs inquiétudes aussi".

Xbox a obtenu le feu vert d’une quarantaine de pays et surtout de l'Union européenne, "une étape importante pour nous" et un débat "interactif" qui a poussé notamment la branche gaming de Microsoft à signer de nombreux accords autour du cloud gaming pour répondre aux interrogations soulevées. Il reste encore à convaincre la CMA britannique et la FTC américaine qui ont mis leur veto pour le premier et déposé une demande de blocage en justice pour le second.

"C’est une acquisition importante et les régulateurs devraient absolument réfléchir à l’impact sur leur marché", explique Phil Spencer. "Cet échange constructif que nous avons eu avec la Commission européenne, on veut le reproduire avec les États-Unis et le Royaume-Uni. Nous restons convaincus que nous serons en mesure de conclure cet accord."

King, la véritable poule aux oeufs d'or

Quand on lui parle de l’importance avancée de Call of Duty dans le dossier, il tient à rectifier les choses. "Chez Xbox, notre stratégie consiste à augmenter le nombre de joueurs, à accroître l’engagement. La plus grande plateforme de jeu au monde, ce sont les joueurs qui jouent sur smartphone aujourd’hui et Xbox n’a pas beaucoup d’expérience à ce niveau", conçoit-il.

"La plus grande base de joueurs d’Activision Blizzard King est composée de joueurs sur leur téléphone et c’est ce qui compte pour nous" martèle-t-il.

L’intérêt du rachat ne serait donc pas dans les licences phares comme COD, Diablo ou World of Warcraft, mais plutôt les déclinaisons mobiles de King (Candy Crush et consorts), voire Hearthstone ou Call of Duty Mobile.

Candy Crush représente près de 42% du chiffre d'affaires d'Activision Blizzard King
Candy Crush représente près de 42% du chiffre d'affaires d'Activision Blizzard King © Ilya S. Savenok

Fin 2022, les achats intégrés dans ces jeux gratuits avaient représenté plus de la moitié du chiffre d’affaires de l’entreprise au 2e trimestre fiscal (831 millions de dollars sur 1,6 milliard de dollars), dont 684 millions rien que pour King et plus de 100 milliards de dollars ce seul trimestre-là pour Diablo Immortal alors à peine sorti.

"Nous allons donc rester concentrés sur cette stratégie qui consiste à trouver des joueurs partout sur console, sur PC et sur mobile", explique-t-il. Et si le rachat doit être abandonné? "Notre stratégie restera dans un sens ou dans l’autre", assure la tête pensante de Xbox. "Le deal joue un rôle important à cet égard, mais ce n’est pas tout."

"Je me sens privilégié"

Le joueur qu’il était enfant rêvait-il d’être le patron qu’il est devenu? "Pas du tout", rigole-t-il. "J’ai commencé chez Microsoft en tant que stagiaire et je finis à la tête de Xbox. J’adore mon travail, je me sens privilégié d’avoir obtenu ce poste et chanceux à bien des égards", admet-il. "Mais je ne me serais pas rêvé comme ça. Quand j’étais petit et que je jouais à tous ces jeux, les amis de ma mère disaient que je perdais mon temps, que je ferais mieux d’étudier, de faire autre chose. J’en ris maintenant."

Todd Howard (Bethesda) et Phil Spencer (Xbox) évoquent Starfield
Todd Howard (Bethesda) et Phil Spencer (Xbox) évoquent Starfield © Tech&Co - Melinda DAVAN-SOULAS

Passionné certes, heureux évidemment, et toujours gamer fou "y passant beaucoup d’heures", à l’entendre parler, on comprend aussi que, tout autant que les joueurs Xbox, ses équipes sont essentielles. "Ce qui me motive, ce sont tous ces gens animés d’une véritable vision et d’une véritable passion pour le jeu vidéo. Et je veux faire tout mon possible pour que Xbox soit aussi géniale que possible pour eux, pour les joueurs comme pour les créateurs de jeux", clame cet amoureux du jeu vidéo.

Melinda Davan-Soulas