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Les partis des candidats à la présidentielle ont-ils le droit de financer de la publicité en ligne?

Les publicités de campagne de "Reconquête".

Les publicités de campagne de "Reconquête". - Reconquête / capture d'écran Facebook

Sur les réseaux sociaux de Meta, de nombreux utilisateurs ont pu voir une campagne de publicité lancée par Reconquête, le parti d'Eric Zemmour. D'un point de vue légal, la situation de ces publicités est difficile à déterminer.

A près de quatre mois de l'élection présidentielle, les dispositifs de campagne s'accèlèrent. En complément des déplacements un peu partout en France, ces dernières se jouent désormais également en ligne. Dans ce cadre, un internaute a remarqué la présence sur les réseaux sociaux de Meta d'une publicité, manifestement sponsorisée, pour le parti d'Eric Zemmour, Reconquête.

Ces publications, diffusées sur Facebook, ne mentionne pas le nom d'Eric Zemmour, seulement celui de son parti. Elles enjoignent les lecteurs à y adhérer, mentionnant le chiffre de 60.000 Français l'ayant rejoint.

Au total, six de ces campagnes de pub ont été recensées. L'outil publicitaire de Facebook dénombre publiquement toutes les campagnes de pubs sponsorisées sur la plateforme. On y trouve divers élements, tels que la date, les plateformes de diffusion, ou encore le nombre d'utilisateurs l'ayant potentiellement vue. Cet outil recense donc donc naturellement les publicités lancées par le parti Reconquête.

Les publicités de campagne de "Reconquête".
Les publicités de campagne de "Reconquête". © Reconquête / capture d'écran Facebook

Une situation floue

Mais payer de la publicité en ligne pour sa campagne est-il autorisé?

Ici, le problème réside dans leur financement. On les dit "sponsorisées": c'est-à-dire que de l'argent a été fourni pour qu'elles soient mises en avant dans l'algorithme de recommandation du réseau social. Pour chacune de ces publicités, Facebook précise que moins de 100 euros ont été dépensés. Soit moins de 600 euros pour la totalité de cette campagne.

Ici, c'est l'article L52-1 du code électoral qui est ici concerné. Il dispose que "pendant les six mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite." Les publicités ayant été diffusées fin décembre, et les élections ayant lieu en avril 2022, tout indique que ces publicités ne sont pas légalement autorisées.

Détail de la diffusion de la publicité de Reconquête
Détail de la diffusion de la publicité de Reconquête © Facebook

Les demandes de dons autorisées

Toutefois, la réalité peut être plus complexe à définir. Les publicités ne mentionnent pas directement le nom d'Éric Zemmour, et ne sont donc pas explicitement dans l'irrégularité.

"Dans le cas des publicités sponsorisées du parti politique d'Éric Zemmour, leur illégalité est loin d'être avérée. D'un côté, elles utilisent des images qui sont évidemment en lien avec la campagne électorale et peuvent laisser penser à une publicité politique prohibée mais, d'un autre côté, elles concernent uniquement l'adhésion au parti et elles ne font la promotion ni du candidat ni de son programme", explique Me Jean-Christophe Ménard, avocat spécialisé dans le droit électoral et le financement de la vie politique.

En effet, l'article 52-8 du code électoral dispose que "les candidats peuvent recourir à la publicité par voie de presse pour solliciter les dons autorisés. Dans ce dernier cas, la publicité ne peut contenir d'autres mentions que celles propres à permettre le versement du don".

Autre paramètre: en décembre 2017, le Conseil constitutionnel avait précisé que "le référencement commercial d'un site à finalité électorale sur un moteur de recherche sur internet avec pour finalité d'attirer vers lui des internautes qui effectuent des recherches, même dépourvues de tout lien avec les élections, est contraire aux dispositions de l'article L. 52-1 du code électoral".

En définitive, c'est le rôle de la Commission nationale des comptes de campagne, qui devra déterminer que ces publications sont régulières ou non. "Elle peut être amenée à considérer que la dépense exposée est irrégulière et qu'elle ne peut être remboursée", précise Me Ménard.

Dans le cas où l'irrégularité des publications seraient avérée, le tout serait passible de 75.000 euros d'amende et de l'invalidation des comptes de campagne, selon le code électoral. Contactée par BFMTV, la Commission n'a, pour l'heure, pas répondu.

Non autorisé par Facebook

Si la situation légale de cette campagne de publicité est floue, elle enfreint toutefois explicitement la politique de Facebook. Au total, ces publicités sont restées en ligne du 16 au 22 décembre 2021, avant d'être finalement désactivées par le réseau social. On peut d'ailleurs lire en dessous un message de l'entreprise: "cette publicité a été diffusée sans avertissement. Suite à sa diffusion, nous avons déterminé qu'elle était de nature sociale, électorale ou politique, et que le libellé était obligatoire. Elle a été retirée."

La politique de Facebook en matière de publicité politique est effectivement assez stricte. Sur la page qui résume cette dernière, on apprend que toutes les publicités liées à des enjeux politiques (entre autres) doivent être signalées par un encart "financé par", et faire l'objet d'une procédure d'autorisation.

Même cas au Rassemblement national

Autre cas de figure, deux campagnes de publicité du Rassemblement national, diffusées dès les 16 et 21 décembre derniers. Ici, contrairement à celle de Reconquête, les conditions d'utilisation de Facebook sont respectées: les publications mentionnent "financé par le Rassemblement national". En revanche, du point de vue du code électoral, c'est plus complexe.

Campagne de publicité du Rassemblement national
Campagne de publicité du Rassemblement national © Facebook / capture d'écran
"Ici, c'est jouer avec la limite légale. On ne fait pas campagne pour un candidat, mais pour un reçu fiscal. C'est une manière détournée de faire de la publicité", explique Me Ingelaere.

Ces deux publicités sont toujours actives, à date du 23 décembre 2021. Au total, elles ont généré environ 15.000 vues depuis leur lancement.

Victoria Beurnez